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des blessures qu’elles lui ont faites.

Les combats des abeilles n’ont pas toujours lieu avec les ennemis de l’état : souvent il y a entr’elles des querelles à démêler, dont il n’est point aisé de connoître le sujet, mais qu’on juge devoir être considérable par la fureur dont elles sont animées. Dans ces sortes de combats, elles cherchent à se saisir mutuellement, à entrelacer leurs pattes pour cet effet, & à trouver le défaut des anneaux, afin que leur aiguillon puisse pénétrer dans les chairs. Étant bien cuirassées, il leur est difficile de se porter des coups, tant que les anneaux sont en recouvrement les uns sur les autres, & sur-tout lorsqu’elles voltigent : aussi leur principale adresse consiste à se culbuter, afin qu’étant appuyées par terre, l’aiguillon puisse agir. Quand elles sont à terre, couchées sur le côté, se tenant fortement par les pattes qui sont entrelacées les unes dans les autres, le mouvement de leurs ailes les fait quelquefois pirouetter avec tant de vitesse, qu’il leur est impossible de se blesser ; mais s’il y en a une qui ait le dessus, & qui soit parvenue à terrasser & à tenir sous elle sa combattante, on voit alors sortir l’aiguillon de son étui, se promener partout avec rapidité, & chercher le défaut du recouvrement des anneaux : s’il parvient à entrer dans les chairs, il fait une blessure telle aux deux athlètes, par la difficulté qu’éprouve celui qui est victorieux, à le retirer du corps du vaincu, où il est retenu par les anneaux.

Lorsque les deux combattans sont d’une force & d’une adresse égales, il est rare qu’ils se portent des coups dangereux : le combat alors est terminé sans effusion de sang ; & après avoir long-temps lutté ensemble, les athlètes se séparent & s’envolent chacun de leur côté. D’autres fois, ces sortes de querelles entre abeilles sont occasionnées par l’avarice de leurs compagnes, qui, au retour de la provision, refusent de leur donner le miel qu’elles apportent : quand leurs disputes n’ont pas d’autre motif, elles ne sont jamais meurtrières, parce que celle qui est attaquée, achète la paix en donnant sa provision : après avoir été tiraillée par les autres, & menacée de leur colère, si elle s’obstine à leur refuser ce qu’elles demandent, elle étend sa trompe ; alors la troupe avide vient tour à tour se rassasier de son miel, & se retire après l’avoir dépouillée, sans lui faire aucun mal.


Section IX.

Massacre des Faux-Bourdons.


Les combats que les ouvrières livrent aux faux-bourdons, sont bien plus terribles que les petites guerres qu’elles se font entr’elles ; ils ne sont jamais terminés que par la mort de ces malheureux dont elles font un carnage effroyable. C’est une loi de l’état, que ces mâles ne doivent y exister que pendant la belle saison, & elles sont de l’exactitude la plus rigoureuse à l’observer. Dès que le tems est arrivé où elles jugent qu’ils ne sont plus utiles à la république, que leur existence pourroit au contraire nuire au bien de la société, elles les condamnent à l’exil, & les chassent