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couvent. À ce trait, on en peut ajouter un aussi sinistre. Kircher, dans son ouvrage sur la peste, rapporte que, pendant une peste, un gentil’homme napolitain fut piqué sur le nez par un frelon. La partie piquée enfla considérablement, & cet homme mourut de la peste dans l’espace de deux jours.

Tout le monde connoît ces grosses mouches qui s’acharnent à harasser, par leurs piqûres, les chevaux & les bœufs, & qui sont si fortes que ces animaux saignent par la blessure comme si on les avoit profondément piqués avec une grosse épingle ; leur cuir tanné offre encore le trou de la piqûre, qui en terme de l’art s’appelle un baron. Je puis attester avoir vu une de ces mouches communiquer, par sa piqûre, le charbon à un bœuf. L’endroit piqué fut le siège du charbon, (voyez ce mot) Cette épizootie régnoit dans un village, à plus d’une lieue de la métairie où le fait s’est passé.

Que conclure de ces exemples ? que les mouches & les araignées peuvent être venimeuses accidentellement, tout comme le bœuf surmené l’est pour celui qui en mange la chair. Si l’araignée étoit venimeuse, il ne se passeroit pas de semaines, & peut-être pas de jours que, dans les campagnes ou dans les villes, on ne vît des personnes victimes de son avidité pour le sang. J’invoque ici le témoignage des praticiens exempts de préjugés, & les plus versés dans l’art de guérir, afin de dire s’ils ont été appelés pour le traitement de ces morsures.

J’ai beaucoup insisté sur ces deux articles, afin de détruire des préjugés trop enracinés dans les campagnes. Si un cheval, un bœuf, meurent subitement dans les pâturages, dans l’écurie, &c. on dit aussitôt : il a mangé une araignée, ou il a été mordu par elle, &c. Dès qu’on voit qu’il est près d’expirer, ou aussitôt après sa mort, pourquoi ne l’ouvre-t-on pas, ne fait-on pas une recherche exacte dans l’estomac, dans les intestins, &c. ? On reconnoîtroit par ce moyen la partie affectée, & la cause & le principe de la mort de l’animal ; mais on aime mieux raisonner sans preuve.

Le climat infflueroit-il sur cet insecte, ou bien y a-t-il réellement des espèces venimeuses ? On sait que la grosse araignée d’Amérique, qui occupe un espace de sept pouces de diamètre, est venimeuse ; mais personne n’a encore fait connoître les espèces qui le sont en Europe, si on en excepte la tarentule. (Voyez ce mot & ce qu’on doit en penser.)

3o. La médecine peut-elle tirer quelqu’avantage de la substance de l’araignée, ou de ses ouvrages ? L’expérience a démontré que la toile de cet insecte mise sur une plaie récente & peu profonde, arrête le cours du sang, favorise la réunion des bords, rapprochés & maintenus par un petit bandage ; la toile doit être exactement dépouillée de tout corps étranger. Une simple compresse imbibée d’eau maintenue par un bandage, ne produiroit-elle pas le même effet ? La bonne & saine médecine ne reconnoît-elle pas aujourd’hui qu’une coupure, qu’une plaie récente se cicatrise & guérit promptement, lorsqu’on la tient humectée, & sur-tout à l’abri du contact de l’air ? La nature fait le reste. Quelques auteurs assurent que