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cieusement la fécule, qui est d’une consistance à demi-fluide. On la retire du diablotin pour la couler dans des chausses de toile, qu’on suspend les unes à côté des autres ; l’indigo s’y desséche de plus en plus. Lorsqu’il est presque à l’état de pâte, on le coule sur des caisses quarrées, dont le rebord a environ deux pouces & demi, & on laisse d’abord ces caisses à l’ombre sous des angars, qu’on nomme sécheries, ou bien on les expose à l’air libre avant la grande ardeur du soleil. Peu à peu on les expose à une chaleur plus vive ; & enfin, lorsqu’on s’apperçoit que cette pâte est parvenue au point de dessiccation desirée, on la divise en parties de la grosseur & de la forme connues dans le commerce. Après avoir laissé ces cubes, qu’on nomme alors pierres d’indigo, se ressuyer encore quelque tems à l’ombre des angars, ils n’ont plus aucune façon à recevoir, & on peut dès ce moment les mettre en futaille.

Il faut observer que les quarrés d’indigo qui ont séché à l’ombre, ne refluent pas autant dans les caisses comme ceux séchés au soleil. Le premier a resté quelquefois pendant six semaines avant d’avoir acquis la siccité convenable. Pendant cette époque, sa surface devient blanche comme de la chaux, & cette façon de sécher lui est très-favorable ; il semble qu’il en acquiert une nouvelle liaison, ses pierres sont plus dures, & son lustre se raffine.

4o. Du pétrissage. C’est une pratique assez généralement adoptée dans les indigoteries, de pétrir l’indigo dans les caisses pour lui donner, dit-on, une liaison qui raffine celle qui lui est naturelle. Cette prétendue liaison ne dépend uniquement que du degré de pourriture & de battage, & principalement de ce dernier. Une cuve qui péche par l’un ou par l’autre, en fournit la preuve ; alors l’indigo s’écrase au moindre choc. Il résulte souvent du pétrissage une perte considérable. Le soleil mange la couleur de l’indigo, qui se trouve comme ardoisé par-dessus, & cette couleur pénètre de l’épaisseur d’une demi-ligne. Cet indigo brûlé du soleil se mêle parmi l’autre en le pétrissant, & peut occasionner des veines ardoisées qui en diminuent le prix. On ne sauroit le pétrir sans l’avoir auparavant exposé au soleil pendant trois ou quatre jours, ce qui le rend aussi mou que le premier jour qu’on l’y a placé. Ce retardement est souvent cause que les vers s’y mettent ; accident sans remède, dont on ne peut le garantir que par de grandes précautions, sur-tout s’il survient des tems pluvieux. Ces insectes mangent une partie de l’indigo, & l’autre partie, qui ne sauroit sécher qu’avec une peine incroyable, est un indigo inférieur dont le prix diminue de la moitié.

L’indigo qui a été exposé au soleil pendant trois à quatre jours, contracte une odeur très-forte, & elle attire les mouches. Ces insectes se jettent dessus l’indigo, en dévorent autant qu’elles le peuvent ; y déposent leurs œufs, d’où sortent des vers en moins de quarante-huit heures. Ces vers s’insinuent dans les fentes de l’indigo ; & là, ils travaillent avec tant d’ardeur à l’abri du soleil, qu’ils le réduisent en