haut point d’intensité, on juge que la fermentation est également dans sa plus grande activité. Alors les bulles d’air qui se dégageoient dans le commencement, sont remplacées par des flots d’écume qui s’élèvent & retombent précipitamment dans la cuve. Le bouillonnement est quelquefois si violent, qu’il brise les palissades, & arrache les poteaux scellés en terre. Un fait bien digne de remarque, c’est que toute cette écume est inflammable, & que l’inflammation s’y communique d’une manière aussi rapide qu’à l’esprit de vin ou à l’éther. Cette tendance à l’inflammabilité est-elle due à une partie spiritueuse, qui se développe pendant la fermentation, ou au seul dégagement de l’air inflammable, (voyez cet article au mot Air, Sect. VI, page 344.) contenu dans la plante, ou formé par sa fermentation ou par sa pourriture dans la trempoire ? Cette question peut être considérée comme un simple objet de curiosité, relativement à la fabrication de l’indigo ; mais c’est une jolie expérience de physique à tenter. On s’assureroit si l’inflammabilité est due à un principe spiritueux, comme dans l’eau de vie, en distillant une certaine quantité d’écume, & de l’eau contenue dans la trempoire. Je prie ceux qui feront cette expérience de m’en communiquer le résultat.
Il faut beaucoup d’habitude dans celui qui conduit l’indigoterie, pour bien juger du complément ou point parfait de la fermentation. Les saisons le font beaucoup varier. Par exemple, si les pluies ont été fortes & trop long-tems soutenues, la plante végète mal, & le grain qu’elle donne dans la cuve est imparfait ; alors c’est le cas de juger du degré de fermentation par la couleur de l’eau. Lorsque la sécheresse a régné, l’indigo produit un grain mal formé, l’eau se charge de crasse, & la crasse annonce une cuve trop pourrie. À la première coupe de l’indigo, la terre est encore trop fraîche, ainsi que l’eau ; alors la cuvée montre un faux grain. Si la coupe s’exécute immédiatement après le ravage des chenilles, une crasse règnera sur sa surface ; & il ne faut pas la confondre avec celle fournie par le trop de pourriture, &c.
2o. Du battage. Lorsque l’indigotier reconnoît par les signes accoutumés, que la fermentation est assez avancée, & que les atômes colorans commencent à se réunir, il saisit ce moment pour couler tout l’extrait dans la seconde cuve, qu’on nomme la batterie. Elle est semblable à la première, & pour sa forme & pour ses dimensions.
Les habitans qui aiment à faciliter le travail, & qui veulent en diminuer, le plus qu’il est possible, le poids pour leurs nègres, font enfoncer dans terre, sur les bords de la cuve, deux pièces de bois de chaque côté, & taillées en manière de fourche à leur extrémité supérieure. Cette fourche est traversée par un axe, & cet axe traverse le manche du baquet ou bucquet, de sorte qu’il reste mobile &, pour ainsi dire, en équilibre. Ces baquets sont des espèces d’écopes sans fond, emmanchés à des bâtons de moyenne grosseur, & longs de dix à douze pieds ; on les agite sans cesse de haut en bas : quatre nègres frap-