grosse que les premières. Celle-ci ronge les pieds, & dévore tellement les bourgeons à mesure qu’ils repoussent, que la plante paroît morte, & périt effectivement quelquefois. Cet insecte s’enfouit dans la terre pendant le jour, sort pendant la fraîcheur de la nuit, & recommence ses dégâts. Cette dévastation dure pendant deux mois, & ces deux mois sont ceux de la plus belle saison pour la récolte de l’indigo.
L’indigo bâtard est moins sujet à ces insectes ; & comme s’il y avoit une compensation du bien & du mal entre tous les individus de la nature, le moindre grain de pluie le dépouille des feuilles, & dès-lors c’est une perte réelle, au moins de moitié, pour la quantité de parties colorantes qu’il auroit fourni.
Pour remédier au dégât que font les chenilles, & sur-tout pour interdire la communication d’un champ à l’autre, ou de la partie infectée avec celle qui ne l’est pas, on ouvre de larges tranchées de plusieurs pieds de profondeur. D’autres se contentent de couper l’indigo tel qu’il est, & de le jeter dans des cuves pleines d’eau avec les chenilles. M. de Préfontaine, dans sa Maison Rustique de Cayenne, dit qu’on a l’expérience qu’en lâchant un ou plusieurs cochons dans les pièces d’indigo attaquées par les chenilles, on donne lieu à ces animaux de secouer les tiges avec leur nez pour faire tomber les insectes, sur lesquels ils se jettent avec avidité. Cet expédient auroit-il le double avantage de détruire le rouleux, si commun au Cap ? La fouille que l’animal feroit dans la terre pour y saisir sa proie, ne déracineroit-elle pas un peu trop le pied de l’indigo ?
4o. De sa coupe, ou du tems de le cueillir. Le tems de la récolte est lorsque les feuilles ont une couleur vive & foncée, qu’elles crient & se cassent aisément, quand on coule la main du bas en haut. Il est essentiel de saisir ce point. Lorsqu’on laisse la feuille se faner, ou sécher sur pied, la qualité & la quantité diminuent. Si on coupe l’indigo avant sa maturité, la couleur en est plus belle, & la fécule moins abondante ; il faut avoir l’attention de n’attaquer la tige qu’à un pouce & demi ou deux pouces au dessus de terre, parce que les rameaux de cette petite souche sont destinés à produire de nouveaux rejetons, qui seront eux-mêmes coupés six semaines après. On choisit pour la coupe un tems humide, autant que faire se peut, afin que l’ardeur du soleil n’endommage pas les endroits d’où on a détaché les feuilles ou les branches, ce qui les feroit périr, ou occasionneroit un ralentissement considérable dans la végétation. Des espèces de faucilles bien tranchantes servent à cette opération.
III. De la préparation de l’indigo. Au moment même où l’on sépare les rameaux de la souche, on les jette sur des toiles qu’on appelle balandres ; elles ont environ trois pieds huit pouces à quatre pieds de longueur sur tous les côtés : à chaque coin de la balandre est un lien ou cordon, & les quatre liens réunis font de la balandre une espèce de sac, afin d’emporter la grande & la petite herbe, sans en perdre dans le transport. Lorsqu’elle est pleine, ou plutôt lorsque le monceau d’herbe est assez