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tité de terre assez considérable ; mais on ne risque cette façon de planter que dans le tems qui annonce une pluie prochaine. La manière de semer, de recouvrir les trous, est la même. C’est une grande avance pour l’habitant, lorsque le succès répond à son attente : il voit la graine lever tout à la fois, pendant qu’il a le tems d’en planter d’autre, à cause de la nouvelle pluie. Si, au contraire, la sécheresse trompe ses espérances, la graine s’échauffe dans la terre, la chaleur la racornit, & il risque de la perdre entièrement. Si la pluie si desirée n’est pas assez considérable pour pénétrer dans la terre, & qu’elle ne rafraîchisse que la surface, la graine germe, & la radicule n’ayant point assez de force pour s’enfoncer dans la terre, languit & périt enfin.

Si la pluie favorise les semis, la graine de l’indigo franc lève le troisième jour ; mais si elle n’étoit pas bien mûre lorsqu’on l’a cueillie, elle ne pousse que huit jours après, jamais tout à la fois, & à chaque grain de pluie, il en sort de terre. Si, au contraire, elle est trop mûre, il n’est pas rare d’en voir lever d’une année à l’autre. On reconnoît le point préfix de la maturité de la graine, à la gousse qui commence à sécher. La récolte de la graine exige beaucoup d’attention.

Dès que la plante est sortie, le maître vigilant fait sarcler, & tous les quinze jours cette opération est répétée avec soin, jusqu’à ce que la plante soit assez haute & assez forte pour couvrir la terre de son ombre.

3o. Des obstacles à la réussite de sa végétation. Le vent, la pluie, le soleil, la terre même, & quelques insectes sont à craindre, suivant les circonstances. Les vents impétueux agitent, secouent & froissent la jeune plante : s’il survient une pluie & un soleil chaud, comme cela arrive lorsque quelques nuages interceptent, de momens à autres, les rayons de cet astre ; alors la plante imbibée d’eau est calcinée, & on appelle cet accident, le brûlage ; ses rameaux s’inclinent contre terre ; ils se fanent, se consument & se dessèchent.

Si la terre dans laquelle on a semé est trop affoiblie par les récoltes précédentes ; si son terreau est trop absorbé ; en un mot, pour se servir du terme du pays, si elle est trop usée, les tiges sont foibles dès leur naissance, & cette foiblesse les accompagne tout le tems de leur durée.

Trois espèces d’insectes s’attachent à l’indigo. La première ressemble à une chenille, & on la nomme ver brûlant. Il forme une toile à l’instar de celle des araignées ; cette toile se charge de la rosée de la nuit, & lorsque le soleil paroît sur l’horizon, ces rayons rassemblés dans ces gouttelettes qui font l’office d’une loupe, brûlent les jeunes tiges.

On diroit que les ennemis de cette plante se multiplient en raison de sa délicatesse : des essaims nombreux de chenilles dévorent quelquefois en moins de quarante-huit heures les indigos d’un champ entier, & pour comble d’infortune, il succède à ces chenilles une autre chenille nommée le rouleux, & plus