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dans son Discours sur la nature des Animaux, de chercher à se faire des idées philosophiques sur la forme du gouvernement des abeilles, l’ordre qui règne dans leur société, l’industrie qu’on admire dans leurs ouvrages, & de ne point considérer un panier d’abeilles, comme une république qui pouvoit être, par la sagesse de son gouvernement, l’émule d’Athènes, de Sparte, &c. Cependant il est très-probable que, s’il les eût observées, comme ces savans naturalistes, dont il blâme les raisonnemens, s’il n’avoit pas pris part à leur admiration pour les abeilles, du moins il n’eût pas considéré leur industrie, l’ordre qui règne dans leurs occupations, la destination des fruits de leurs travaux, la régularité & la beauté de leurs édifices, comme une suite nécessaire de leur stupidité. Il est vrai que bien des auteurs, livrés à l’enthousiasme pour les abeilles, en ont débité tant de merveilles, qu’ils ont rendu leur histoire ridicule & incroyable ; la plupart ont supposé à ces insectes une combinaison d’idées suivies, dont la raison la plus réfléchie n’est pas toujours capable ; ils ont parlé de leur gouvernement & de leurs loix, comme des modèles de la plus haute sagesse, & de la morale la plus saine. Le chef de cette république leur a paru surtout recommandable par sa justice, sa modération & sa douceur ; les autres individus, par leur respect, leur attachement pour lui, leur soumission à ses ordres ; mais on sait le degré de confiance que méritent de tels écrivains, qu’on veut bien ne qualifier que de fabulistes ridicules.


Section II.

De l’ordre qui règne dans une République d’Abeilles.


Dans une république d’abeilles, tous les individus ne sont occupés absolument qu’à travailler selon les talens particuliers qu’ils ont reçus de la nature ; chacun s’acquitte exactement de son emploi, & ne fait que cela, parce que la nature ne l’a pas pourvu des organes propres à faire autre chose. La femelle, qui est le chef, n’est occupée qu’à pondre ses œufs dans les alvéoles, les mâles à les féconder, & les ouvrières à ramasser le miel, la cire, à construire les cellules, à prendre soin du couvain, & à maintenir la propreté dans l’habitation. Ces trois sortes d’individus remplissent avec exactitude ces diverses fonctions, auxquelles la nature les a destinés, en donnant à chaque espèce exclusivement, les organes propres pour s’en acquitter. Quoiqu’ils soient tous occupés à la fois, il n’y a jamais ni confusion, ni désordre, parce qu’ils ne se déplacent point les uns les autres ; mais ils attendent qu’un ouvrage soit laissé, quand on n’a plus de matériaux pour le continuer, afin de le reprendre. Il résulte donc de ces différentes occupations, une harmonie qu’il est très-permis d’admirer, quoiqu’on ne la considère que comme un résultat nécessaire de la diverse manière dont les individus sont organisés.


Section III.

De la police & de l’industrie des Abeilles.


Ce seroit mériter la qualité d’enthousiaste ridicule, de croire tout