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étonnante variété d’anemones cultivées dans les jardins. Dans la première, les feuilles sont découpées en manière de doigt, & les découpures larges ; dans la seconde, au contraire, les feuilles sont composées de trois autres petites feuilles découpées en plusieurs segmens. Du milieu de ces feuilles qui partent de sa racine, & qui sont rangées circulairement, s’élève une tige. À peu près aux deux tiers de sa hauteur, on trouve de nouvelles feuilles servant d’enveloppe ou de calice à la fleur avant son développement ; la fleur s’élance ensuite d’entre ces feuilles, & termine le sommet de la tige. La fleur n’a point de calice, en quoi elle diffère sur-tout des renoncules. Cette fleur, dans les anemones simples, est composée de cinq & quelquefois de six pétales arrondis, & pour l’ordinaire un peu pointus à leur sommet. Le milieu de la fleur est garni d’une proéminence arrondie sur laquelle sont implantées les étamines supportées par de courts pédicules.

On lit dans la Maison Rustique, que les anemones furent apportées des Indes : cependant, celle nommée anemone hortensis par les botanistes, est indigène sur les bords du Rhin & en Italie. L’anemone coronaria l’est dans les environs de Constantinople, dans l’orient. « M. Bachelier, continue l’auteur de cet ouvrage, les apporta vers l’an 1660 : les amateurs qui visitèrent son jardin, furent surpris de leur beauté, & leurs instances auprès de M. Bachelier ne purent l’engager à partager ses richesses alors uniques. Un conseiller vint le voir, lorsque la graine des anemones étoit entièrement mûre. Il y alla en robe de drap de palais, & prescrivit à son laquais de la laisser traîner. Quand ces messieurs furent vers les anemones, on mit la conversation sur la plante qui attachoit la vue ailleurs ; alors le conseiller, d’un tour de robe, effleura quelques têtes d’anemones, & elles laissèrent leur graine attachée à la robe. Le laquais instruit reprit aussi-tôt la queue de la robe, & la graine fut cachée dans les replis. Elle fut semée, & le conseiller moins jaloux que M. Bachelier, fit part à d’autres amateurs du produit de sa supercherie. C’est par ce moyen que cette plante s’est multipliée en France. »

II. En quoi consiste la beauté de l’anemone ? Ce seroit s’attirer une guerre ouverte de la part des fleuristes, si on disoit que ce qu’ils appellent perfection dans cette fleur, est une beauté de convention. Ainsi, admettons avec eux ce genre de beauté, & parlons leur langage.

La racine tubéreuse, c’est-à-dire charnue, est nommée par eux patte. Le principal tubercule est accompagné de plusieurs petits tubercules, & chacun séparé du tronc principal, forme une nouvelle patte, en état, suivant sa grosseur, de donner une fleur l’année suivante, ou deux ans après. Ces petits tubercules sont désignés sous le nom de cuisse.

La tige doit être proportionnée à la grosseur de la fleur, être droite & ne pencher ni d’un côté ni d’un autre.

L’enveloppe qui sert de calice à la fleur avant son épanouissement, est appelée fane ; elle doit être relevée, bien découpée, bien frisée, & plus elle est basse sur la tige, plus