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taillis ou d’une forêt, après le dessèchement d’un terrain marécageux ; l’expérience démontre que la récolte est des plus brillantes.

Ici tout a été mécanique, & son action a été soumise aux loix physiques. 1o. Tant que le pré & la forêt, &c. ont existé, il y a eu peu d’évaporation des principes végétatifs : chaque plante pressée contre la plante sa voisine, ressembloit aux pots des expériences de M. Tillet, ou aux carreaux troués que les espagnols destinent pour la culture de leurs choux, ou bien à ces plantes qui ont leur base recouverte de pierres à la surface du sol, ou enfin aux arbres plantés dans les cours, & dont le trou ensuite est pavé comme le reste de la cour. Dans certains cantons, on connoît si bien l’importance d’empêcher cette évaporation, qu’on passe un rouleau pesant sur la surface des blés. 2o. Chaque année le débris des feuilles, des bois, des animaux, ont formé du terreau, & chaque année la couche s’est augmentée, la fermentation a augmenté. Actuellement, labourez souvent ce pré défriché ; l’évaporation & les pluies enlèveront bientôt le résultat de plusieurs années de fermentation & de pourriture. Il est constant que les labours soulèvent la terre, en atténuent les molécules ; que le soleil, l’air, &c. pénètrent plus profondément ; que les racines ont plus de liberté pour s’étendre : mais une pluie un peu forte ne tape-t-elle pas la terre, n’en réunit-elle pas les molécules ? & si, dans l’espace de six semaines ou de deux mois, le sol a eu le tems, pendant l’été, d’être alternativement trempé & desséché, qu’auront produit les labours pour l’année suivante ? bien peu de chose. Mais si la terre est en pente, le défaut sera encore plus notable, parce qu’une seule pluie d’orage un peu forte suffira pour entraîner la terre végétale, pour enlever le sel du terreau, & ses autres principes que la fomentation a rendus très-miscibles à l’eau : ainsi, loin d’amender la terre, on l’amaigrit.

On ne doit pas conclure de ce que je viens de dire, que pour amender la terre il ne faut pas la labourer ; mon but a été de prouver que l’année de jachère ou de repos n’a été réduite en principe d’agriculture par quelques auteurs, qu’à cause de la difficulté du travail dans les grandes exploitations ; & que, dans le court espace de deux mois ou de six semaines, il étoit impossible d’ameublir la terre par les labours convenables : mais si on alterne les terres, le travail sera moindre & plus facile ; & au lieu de quatre ou cinq façons, deux suffiront. Enfin, si le travail est fait à la bêche, comme cela se pratique dans la république de Luques, & même dans plusieurs cantons du royaume de France, une seule suffira, et l’emportera de beaucoup sur le nombre de tous les labours quelconques.

La conclusion générale à tirer de cet article, est que dans tous les genres d’amendemens quelconques, on doit se proposer, 1o. de rendre la terre susceptible de ne conserver que la quantité d’eau convenable à la végétation & à la nourriture de telle ou telle plante, suivant sa qualité ; 2o. à créer le terreau ou humus dans la plus grande quantité possible,