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cielles, ou aux terres à blé & à celles destinées pour les petits grains, ou aux vignes, ou aux forêts, &c. Comme tous ces objets seront traités séparément, il est inutile ici d’entrer dans un plus grand détail sur chacun en particulier ; ce seroit se livrer à des répétitions fastidieuses.

Le mot amender ou changer en mieux, suppose que la terre perd continuellement de ses principes, & que, si l’industrie humaine ne les renouvelle pas, & n’en prépare de nouveaux, elle deviendra stérile. Lucrèce, & plusieurs auteurs anciens & modernes, disent que la terre vieillit, que de siècle en siècle elle devient plus stérile. Ils ont raison, s’ils concluent d’après une longue habitude de mauvaise culture ; mais si nos travaux, ou mal entendus, ou faits à contre-tems, ne s’opposent pas à l’état de perfection de la terre, elle ne vieillira pas. Il est constant qu’elle n’a encore acquis & qu’elle n’acquerra ni vieillesse, ni décrépitude, parce qu’elle est toujours intrinsèquement la même. Elle n’a point vieilli en Chine, où la culture est portée à son plus haut degré de perfection : elle s’est rajeunie en Angleterre, en Suisse, dans la Flandre, dans le Brabant, en Toscane, en Lombardie, en Piémont ; &c. mais elle vieillit nécessairement dans tous les pays où les labours, trop répétés, s’opposent à la formation de la terre végétale ou terreau. Depuis que les habitans de certains cantons, de certaines provinces, ont contracté l’habitude d’alterner leurs terres, (Voyez ce mot) depuis que les anglois ont ensemencé les leurs avec des turnips, des raves, des navets, &c. pendant les années que nous appelons de jachère ou de repos, ils ont rendu au sol son activité première, parce qu’en enfouissant les raves & les navets, ils ont multiplié le terreau qui est la terre par excellence pour la végétation. Pour amender nos terres, nous multiplions labours sur labours ; il se fait une évaporation immense des principes destinés à la végétation des plantes, & nous détruisons jusqu’à l’apparence de l’herbe que nous appelons mauvaise ; enfin, la terre reste réduite à elle-même. Le grain qu’on y sème ensuite, finit par absorber la substance végétative. On fait plus, dans certains cantons on pousse la manie jusqu’à arracher les chaumes, comme si on craignoit leur conversion en terreau. Je conviens que des terres qu’on croit amender par des labours multipliés sont pénétrées plus profondément par la chaleur, par l’air, l’eau ; en un mot, par tous les amendemens naturels ; mais pour que ces précieuses émanations produisent l’effet desiré, il faut qu’il y ait dans la terre un principe d’attraction, si je puis m’exprimer ainsi, un principe de correspondance, un principe d’appropriation, afin que, par leurs mélanges, il s’établisse une fermentation intérieure qui ne peut exister sans eux. En veut-on une preuve sensible ? il suffit de comparer les effets des labours multipliés sur une portion de terre égale, par sa nature, à celle d’un pré voisin. La récolte du champ sera-t-elle aussi abondante que celle du pré semé en grains, après qu’il aura été rompu & labouré ? Jetez un coup d’œil sur le blé semé après le défrichement d’un