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relativement aux autres branches, & les feuilles qu’elle aura produites conservent la même direction, & sont rangées comme par degrés sur la tige & disposées de côté & d’autre alternativement ; enfin, dans la foliation, les bords d’une feuille sont compris alternativement dans les bords d’une autre feuille.


ALTERNER, ou faire produire successivement à une terre du fourrage & des bleds, & ainsi tour à tour. On alterne ou chaque année, ou après plusieurs années révolues. Par exemple, on alterne un champ semé en trèfle, lorsque la charrue ou la bêche le détruisent après son année de rapport ; on alterne un champ semé en luzerne, lorsqu’après plusieurs années la luzerne commence à se détériorer, & qu’on rompt la terre pour y semer du grain, ce que l’on fait aussi aux prairies épuisées ou prêtes à l’être. Cette alternative de culture assure des récoltes abondantes. Deux motifs y concourent : les plantes ont des racines ou pivotantes, c’est-à-dire, qui se prolongent assez avant dans la terre, ou des racines chevelues qui ne pénètrent qu’à quatre ou cinq pouces de profondeur : la luzerne, le trèfle, &c. sont dans le premier cas, & les bleds dans le second. Ainsi, lorsque l’on alterne sur un trèfle, sur un sainfoin, sur une luzernière, sur une ravière, &c. on est sûr que la récolte suivante sera copieuse, parce que les racines de ces plantes n’ont absorbé les sucs de la terre qu’à une profondeur plus considérable que celle où les racines des bleds auroient puisé pour se nourrir. Dès-lors, en labourant cette terre ou en la bêchant, le terrain de la partie supérieure dont les sucs n’ont point été épuisés ou diminués, est enfoui & présente une abondance de sucs nourriciers aux racines qui le pénétreront ; au contraire, les racines des bleds consomment les sucs du terrain supérieur, & laissent intact ceux de la partie inférieure : dès-lors, on voit les avantages qui doivent nécessairement résulter de la méthode d’alterner.

Le second motif intrinsèque qui détermine à alterner, est l’engrais qui s’est formé naturellement sur la superficie du terrain pendant cet espace de tems. Une luzernière qui a subsisté pendant cinq ou pendant dix ans, a formé une couche de terreau par les débris de ses feuilles & les dépouilles des insectes qu’elle a nourri. Plus le nombre des herbes quelconques est multiplié sur un champ, plus le nombre des insectes est considérable ; chaque plante a le sien propre, & souvent elle en fait subsister plusieurs dont les individus qui composent cette famille sont très-multipliés. Les cadavres de ces insectes servent merveilleusement à la nature à féconder les terres ; ce sont eux qui fournissent la partie graisseuse & huileuse qui, à l’aide des sels répandus dans la terre, forment la substance savonneuse, d’où la séve tire les principes constituans des plantes. Ce que nous disons de la multiplicité de ces insectes, & de cette admirable ressource de la nature, paroîtra outré à ceux qui ne savent pas voir & examiner ; mais que ces mêmes personnes prennent la peine de jeter un coup d’œil attentif sur une superficie de terrain