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quets d’hiver ; mais elles sont très-délicates, sur-tout celle panachée de blanc. Les panaches des feuilles qui semblent être une coquetterie de la nature, n’en sont le plus souvent qu’une dépravation : ainsi les jaunes se rapprochant plus du verd, indiquent un changement total dans le tissu cellulaire, rendent les feuilles faciles à être gâtées, ou du moins altérées ou enlaidies par la moindre intempérie de l’air.

L’espèce n°. 4 est fort belle ; la largeur de ses feuilles la rend très-précieuse, à cause de leur petit nombre ; elles sont toujours vertes. Cette espèce vient d’Espagne, & exige par conséquent d’être bien abritée. Miller conseille de marcotter & de planter cet arbre en automne.

Les alaternes s’élèvent assez facilement de graine : ceux qu’on obtient par cette voie de multiplication, sont plus droits & deviennent plus hauts que ceux élevés de marcottes. Ils atteignent, dans les lieux où ils se plaisent, à la hauteur de 12 à 20 pieds, suivant la croissance déterminée des espèces ; au lieu que ceux provenans de marcottes retiennent toujours quelques habitudes de la première courbure ; & comme ils n’ont souvent des racines que d’un côté, & qu’elles sont très-horizontales, ils ne peuvent s’élancer autant que les arbres venus de graines, lesquels sont pourvus d’un bel empatement de racines.

Lorsque l’on veut se procurer de la graine d’alaterne, il faut la faire venir des provinces méridionales, & des autres pays où croissent les différentes espèces ; mais si l’on en veut recueillir chez soi, il est nécessaire de couvrir avec des filets les arbres chargés de baies ; car les oiseaux en sont très-friands, & n’en laisseront aucune. Ces graines mûrissent assez bien dans les provinces septentrionales, si on a eu l’attention de planter les alaternes, dont on se propose de recueillir la graine, le long d’un mur exposé au midi, & qu’on ait eu soin de faire choix, dans cette vue, des individus qui ont le plus de fleurs femelles ou de fleurs androgynes.

Les baies bien mûres & recueillies, il faut aussitôt les écraser dans une jatte pleine d’eau, jusqu’à ce qu’on en ait détaché toute la pulpe ; ensuite, on passera le tout à travers un tamis, & il restera un marc mêlé de pepins ; ce marc doit être éparpillé sur un grand plat, que l’on mettra à l’ombre en un lieu chaud ; lorsque ce marc sera sec, on l’émiera avec les doigts. Cela fait, préparez des caisses de huit pouces de profondeur, trouées par le bas ; posez sur les trous des écailles d’huître par leur côté concave ; remplissez ces caisses d’une bonne terre de dessous le gazon, ou des côtés d’une haie, mêlée d’une partie de sable sec & d’une partie de terreau ; répandez les graines, & distribuez-les également ; recouvrez-les d’une couche d’un pouce d’épaisseur, & d’une terre mêlée, par parties égales, de terreau de bois pourri, & de terre de haie ou de prairie ; enterrez cette caisse à l’exposition du levant, jusqu’au mois d’Octobre : ensuite, faites-lui passer l’hiver dans une caisse à vitrage ; au printems, enterrez-la dans une couche tempérée & légérement ombragée, & vos graines lèveront surement & abondamment.