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son mélange avec ce fluide ; & se piquant, l’aigrelet qu’elle acquiert est dû uniquement à l’acidité naturelle de l’air fixe.

5o. C’est une vérité universellement reconnue de tous les savans, que l’air fixe est acide. Mais cette propriété est-elle inhérente à sa nature, ou seulement n’est-elle due qu’à la façon dont on l’obtient ? L’acide vitriolique qui sert à dégager l’air fixe de la craie, n’est-il pas le principe de cette acidité ? Cette grande question a été agitée par de fameux physiciens & chymistes. Il paroît démontré à présent, que l’air fixe est un acide sui generis comme les autres acides, & que cette propriété lui est essentielle, puisqu’on ne peut obtenir de l’air fixe qu’il ne soit acide, & que celui qui se dégage des substances mucoso-sucrées, ou des corps en combustion, est aussi acide que celui qui est développé par des acides.

6o. On conçoit facilement que cet acide doit avoir une certaine action sur tous les corps avec lesquels on le combine ; aussi rend-il acidules les eaux avec lesquelles on le mêle. Il leur donne la propriété de dissoudre le fer & même le mercure. Presque toutes les eaux minérales (voyez ce mot) en sont imprégnées, & souvent les substances métalliques dont elles sont chargées n’y sont tenues en dissolution que par cet acide. Il est assez développé pour teindre en rouge les couleurs bleues exprimées des végétaux, comme la teinture de tournesol : des roses rouges fraîchement cueillies, plongées dans une atmosphère d’air fixe, y perdent leur couleur naturelle ; & dans l’espace de vingt-quatre heures, passent à la couleur pourpre. M. Priestley a remarqué une fois qu’une rose suspendue au dessus de la liqueur fermentante d’une cuve de bière, au lieu de prendre une couleur pourpre, devint parfaitement blanche.

7o. L’air fixe joue un très-grand rôle dans la formation de la chaux. Combiné avec la terre calcaire, le feu le dégage, il ne reste plus que de la terre calcaire privée de son air ; elle peut le reprendre & reformer une terre de la même nature : si l’on verse de l’air fixe sur de l’eau de chaux, la chaux se précipite en se combinant de nouveau avec l’air fixe, & en formant une vraie terre calcaire qu’on peut recalciner de nouveau & réduire en Chaux. (Voy. ce mot)

Telles sont les principales propriétés qui distinguent spécialement l’air fixe de l’air atmosphérique ; mais ces propriétés ne sont pas les seules dont l’air fixe jouisse ; ce ne sont, pour ainsi dire, que les physiques & chimiques : il en est d’autres plus essentielles pour nous, les médicinales, dont nous pouvons retirer une multitude d’avantages. Rarement les opérations de la nature ne tendent-elles pas directement au bien ; & tôt ou tard ce que nous croyons un mal, un défaut dans la nature, devient le principe de vertus précieuses. Si l’air fixe, considéré d’un côté, paroît un véritable poison, un principe destructeur, nous allons voir de l’autre, qu’appliqué sagement, il sera un remède salutaire que nous avons presque toujours sous la main.