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fixe qui leur étoit uni s’échappe avec la vivacité que son expansibilité & sa légéreté spécifique lui donnent. Son dégagement & sa fuite occasionnent dans le mélange ce mouvement tumultueux & intestin, connu sous le nom d’effervescence. Si on reçoit cet air dans un récipient plein d’eau, il traverse la masse & se porte au haut du récipient. Il est peu de moyens aussi prompts de se procurer à volonté une certaine quantité d’air fixe, que l’effervescence ; il suffit de verser un acide sur un alkali ou une terre calcaire ; dans l’instant il s’excite dans le mélange un mouvement plus ou moins rapide ; les substances se décomposent, & l’on voit se dégager l’air fixe sous forme de bulles. Il faut remarquer cependant que rarement l’air fixe obtenu par ce procédé est pur & sans mélange : presque toujours, au contraire, il varie suivant la nature de la substance dont on le dégage, & l’espèce particulière d’acide qu’on emploie à cet effet.

Le moyen le plus sûr, & peut-être le plus abondant, est celui dont la nature se sert elle-même pour dégager ce fluide ; je veux dire la fermentation. Nous réservons à ce mot d’expliquer le méchanisme & le principe de ce phénomène ; il suffit ici de remarquer que la fermentation en général est un mouvement intestin qui s’excite de lui-même & spontanément, à l’aide d’un degré de chaleur convenable, & d’une fluidité qui met les parties fermentescibles en état d’agir les unes sur les autres. On distingue ordinairement trois degrés dans la fermentation, qu’on regardoit autrefois comme trois espèces de fermentations : la fermentation vineuse ou spiritueuse, par laquelle les liqueurs qui l’éprouvent se changent en vin ; la fermentation acide ou acéteuse, parce que son produit est un acide ou un vinaigre ; enfin la putride ou l’alkaline, qui conduit les substances animales ou végétales à une véritable putréfaction, & qui en dégage beaucoup d’alkali volatil. Ce n’est que dans le premier & le troisième degré de fermentation que l’air fixe se dégage, surtout dans le premier. Il se dégage avec la plus grande abondance des substances sucrées & muqueuses qui subissent la fermentation vineuse ; il s’élève alors au-dessus de la liqueur fermentante, & remplit tout le vaisseau qui la contient. Pour ramasser & recueillir ce fluide, il ne s’agit que de se transporter dans un cellier où le vin fermente dans des cuves, ou dans un attelier à bière : on prend un vase rempli d’eau & bien bouché ; on le débouche dans l’atmosphère même qui surnage la liqueur en fermentation ; on le renverse à mesure que l’eau s’en échappe, l’air fixe occupe sa place ; & le vase se trouvant ainsi rempli d’air fixe, on le rebouche avec soin.

Tels sont les moyens, tant artificiels que naturels, dont on peut se servir pour avoir une certaine quantité d’air fixe, & pouvoir ensuite étudier ses propriétés & sa nature. Quand nous connoîtrons bien toutes les qualités de ce fluide singulier, nous tâcherons d’expliquer ses effets, son action dans l’économie animale & végétale.