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Section III.

Dans quel état l’Air existe-t-il dans les Plantes, & quel est son effet ?

Voilà donc deux points essentiels démontrés, & surtout démontrés par l’expérience, que les végétaux contiennent beaucoup d’air, & qu’il est absorbé par tous les pores de leur surface, indépendamment de celui qui, combiné avec les principes terreux & salins, est pompé par les racines. Mais que devient ce fluide ? dans quel état existe-t-il ? & quel est son effet ? Ces trois articles sont autant de problêmes très-difficiles à résoudre. Ici l’expérience ne nous éclairera pas de sa vive lumière ; la nature semble encore s’être réservé ce grand secret d’où dépend peut-être tout le méchanisme de la végétation. Cependant ce n’est qu’en l’étudiant soigneusement, l’interrogeant & la forçant, pour ainsi dire, à nous répondre, que nous pourrons espérer de dévoiler ce mystère, ou du moins nous mettre sur la voie de l’expliquer.

L’air peut exister de deux manières très-différentes l’une de l’autre, 1o. comme air atmosphérique, jouissant de toutes ses propriétés, fluide, élastique, compressible, & sujet, en un mot, à toutes les vicissitudes naturelles à cet élément. 2o. Tellement modifié, qu’il paroît privé entiérement de toutes ces qualités ; & dans ce cas, il porte le nom d’air fixe. On ne peut disconvenir que ce fluide n’existe sous forme atmosphérique dans les trachées & quelques utricules. Là il est comme en dépôt ; ce sont autant de réservoirs & de canaux qui le rendent présent & contigu à toutes les parties de la plante. De là il se distribue de tous côtés ; il se combine avec la séve, la limphe, les sucs résineux, gommeux, &c. & circule avec eux. Là, sans doute, il entretient l’équilibre avec l’air extérieur, & balance le poids énorme de la colonne de l’atmosphère, comme l’air renfermé dans notre poitrine & dans toute l’habitude du corps, empêche que nous ne soyons écrasés par la masse énorme qui pèse continuellement sur nous. Dans ces grands réservoirs, il éprouve certainement tous les changemens que l’air qui l’environne subit : il s’y échauffe & s’y raréfie dans les grandes chaleurs ; il s’y refroidit & s’y condense dans les gelées. Il y est donc susceptible de condensation & de raréfaction, & de tous les états intermédiaires, selon la diversité de température, non-seulement des différentes saisons, mais encore de la nuit & du jour. Ce mouvement continuel, ce balancement successif seroit-il analogue aux mouvemens de la respiration dans l’homme & les autres animaux ? produiroit-il les mêmes effets ? Le jeu de la respiration excite le mouvement du chyle & des autres liqueurs, par le moyen du battement du cœur & des artères. L’air qui s’introduit dans les trachées, & les gonfle en se raréfiant, ne comprimeroit-il pas les fibres ligneuses & les rangs d’utricules, ce qui obligeroit les liquides qu’ils contiennent à se répandre dans les parties voisines ? Les trachées s’affaissant ensuite, les fibres & les utricules se redilateroient & redeviendroient capables