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c’est de les plonger dans un bocal plein d’eau que l’on renverse dans un autre vase qui en contient une certaine quantité. L’air qui s’échappe alors des pores & des trachées s’élève en bulles dans le bocal, & va se réunir vers son fond. M. Bonnet, de Genève, avoit remarqué, dès 1754, (Recherches sur l’usage des feuilles dans les plantes) ce phénomène ; il fit beaucoup d’expériences pour en découvrir la cause & en développer les conséquences. Mais l’idée d’analyser l’air n’avoit pas encore été produite ; on croyoit encore que tout fluide aériforme n’étoit que de l’air pur, tout au plus atmosphérique, c’est-à-dire, surchargé des vapeurs & des exhalaisons des corps. Il n’est donc pas étonnant que ce savant & célèbre observateur se soit arrêté à l’idée que l’air qui paroît sur une feuille quand on la plonge dans l’eau, n’est dû qu’à la raréfaction produite par la chaleur du soleil. Suivons quelques-unes de ses expériences, & nous verrons qu’il devoit naturellement tirer cette conclusion. Il imagina que ces bulles dont la surface inférieure de la feuille se couvre, étoient de l’air que la feuille sépare de l’eau dont elle s’imbibe. Pour vérifier ce soupçon, il fit bouillir de l’eau pendant trois quarts d’heure, afin de chasser tout l’air qu’elle contenoit, il y plongea une branche de vigne, & les bulles ne parurent pas, quoique le soleil fût ardent : il imprégna ensuite l’eau d’air en soufflant dedans, & les bulles reparurent & devinrent plus grandes. D’autres observations le conduisirent plus loin : il assure même qu’il a appris, par l’expérience, que ces bulles sont produites par l’air adhérent aux feuilles, logé dans leurs inégalités, & dilaté par la chaleur du soleil, & que ces bulles disparoissent à l’entrée de la nuit, l’air qui les formoit étant condensé par la fraîcheur, & que, pour cette même raison, les bulles cessent de se former vers ce tems. Il assure enfin que ce ne sont pas seulement les feuilles plongées vivantes dans l’eau, qui s’y couvrent de bulles ; qu’il en a aussi observé sur des feuilles mortes & cueillies depuis plus d’un an. Ce fait, suivant cet auteur, achève de démontrer que les bulles qui s’élèvent sur les feuilles vertes, & qui végètent encore, ne sont pas l’effet de quelque mouvement vital.

M. Duhamel, qui rapporte fort en détail (Physique des Arbres, t. 1.) les expériences de M. Bonnet, conclut ainsi, d’après elles, « toutes les observations que l’on a faites sur les bulles d’air, ne prouvent donc point, comme on le pensoit, qu’il y ait de l’air renfermé dans les plantes, ni que cet air remplisse, en quelque façon, les mêmes fonctions que celui que les animaux respirent. Ce sont des conséquences qu’on tiroit mal à propos d’une observation qui, avant M. Bonnet, n’avoit pas été suivie avec assez de soin. »

Depuis les découvertes de Priestley, & la révolution heureuse qu’elles ont faite dans la science, cette observation a été suivie avec un soin extrême. MM. Priestley & With, ne s’attachant qu’aux émanations des plantes sans les isoler de l’air qui les accompagne, avoient conclu que les plantes, vivant dans un air corrompu & mortel pour les