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reine, ou mère-abeille, des ouvrières & des faux-bourdons. (Fig. l, Pl. 1) La longueur de son corps, la petitesse de ses ailes la rendent très-remarquable : moins grosse & plus longue que les faux-bourdons, elle surpasse en longueur & en grosseur les abeilles ouvrières. Ses ailes, aussi grandes que les leurs, paroissent plus petites, parce qu’elles n’accompagnent pas son corps dans toute sa longueur : leur bout se termine ordinairement au troisième anneau : avec des ailes si courtes, & si peu proportionnées à la masse de son corps, elle doit voler avec peine ; rarement elle en fait usage, elle se tient constamment dans ses états au milieu de la cour que forme autour d’elle une partie toujours assez considérable de ses sujettes. La grosseur de son corps n’est point aussi uniforme & constante que celle des ouvrières & des faux-bourdons ; elle est relative à la plus grande ou plus petite quantité d’œufs dont son ovaire est fourni, & à leur volume, qui varie selon les circonstances : dans le tems de la ponte, par exemple, elle doit être bien plus considérable que dans toute autre saison.

Son corps, dont le diamètre diminue insensiblement, depuis le premier anneau jusqu’au dernier, est plus détaché du corcelet que celui des ouvrières ; ses deux yeux à réseaux, & les trois yeux lisses, sont placés à sa tête, comme les leurs ; les dents, qui ont chacune deux dentelures, sont bien moins grandes. Sa trompe courte & déliée ne paroît point propre à recueillir le miel au fond du calice des fleurs, & elle n’a point sur ses jambes ni brosses ni palettes triangulaires ; la nature ne l’en a point pourvue, parce qu’elle n’étoit point destinée par son état à en faire usage : à l’endroit où devroit être la brosse, à peine y voit-on, avec une forte loupe, quelques poils clairs & courts. Les ouvrières, par leurs attentions & leurs soins, la dédommagent de cette privation : continuellement elles l’entourent, soit pour lui offrir du miel, en étendant leur trompe devant elle, soit pour la brosser, afin de la nettoyer de toutes les ordures qu’elle peut avoir ramassées. Sa couleur, qui varie beaucoup, selon les différens individus, n’est jamais semblable à celle des ouvrières & des faux-bourdons ; elle est d’un brun clair sur le dessus de son corps, & en-dessous, d’un beau jaune.

Son aiguillon très-fort, & beaucoup plus long que celui des ouvrières, est un peu recourbé vers le dessous du ventre ; rarement elle fait usage de ce dard empoisonné, à moins qu’elle ne soit fortement irritée, ou qu’elle livre le combat à des concurrentes pour les éloigner de ses états : peut-être que les dangers auxquels elle s’exposeroit en faisant usage de cette arme meurtrière, la rendent plus circonspecte ; en ménageant sa propre vie, elle assure le salut de toute sa république, qui périroit misérablement si son chef lui étoit enlevé.

Le sexe de la mère-abeille n’est plus un problême, depuis que Swammerdam a découvert, par les dissections anatomiques qu’il en a faites, que cette abeille, si remarquable par sa grosseur & sa figure allongée, étoit une mère très-féconde. Ce savant naturaliste ayant ouvert une mère-abeille, a trouvé la plus grande