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l’art destructeur de charpenter, de mutiler les arbres, & ils les laissent suivre leur penchant naturel. Il falloit garnir un mur, symétriser des allées, faire prendre aux arbres une forme quelconque, enfin donner tout au coup d’œil : voilà l’origine de la taille. Cet excès a été porté si loin, que les ifs ont représenté des coqs, des cerfs, des rhinocéros, &c. Ce que je dis de la taille de l’abricotier, paroîtra extraordinaire aux jardiniers, aux amateurs ; la méthode établie a subjugué leurs idées. Je leur demande à mon tour : Quelle est celle de la nature ? La plus parfaite, sans contredit, que l’art ait découverte jusqu’à ce jour, est celle des laborieux & industrieux habitans de Montreuil ; mais dans tout le reste du royaume, les arbres sont charpentés & écrasés par la serpette du jardinier. Pour remplir le but de ce Dictionnaire, décrivons tout ce qui a rapport à l’abricotier.


CHAPITRE III.


Des Semis, des Greffes, des soins que l’Arbre exige dans la Pépinière, & pour le replanter.


I. Des Semis. Ils exigent trois choses : le choix de la semence, la nature du terrain, & la manière de le faire.

1o. Du choix des semences. Pour s’assurer de la bonté des noyaux, on les jette dans un vase plein d’eau. Tous ceux qui sont pleins, & dont l’amande n’est nullement viciée, se précipitent au fond, & les autres surnagent. Recueillez ces derniers, jetez-les, ils ne peuvent être d’aucun usage, & tous les autres réussiront, si aucune circonstance ne s’y oppose. Pratiquez cette opération quelques jours avant de les confier à la terre, & laissez-les, pendant trois ou quatre jours, tremper dans l’eau : elle pénétrera les pores du bois, & communiquera l’humidité à l’amande ; alors l’amande se gonflera, & sera plus près de sa germination.

Quoiqu’il soit dit que l’abricot vienne très-bien de noyau, cependant les pépiniéristes les vendent toujours greffés sur prunier. Ne pourroit-on pas dire que c’est 1o. parce qu’ils ont plus aisément des sujets de pruniers, que d’abricotiers, attendu que les vieux pruniers donnent beaucoup de rejets de leurs pieds, ce que ne font pas les abricotiers ; 2o. que c’est le préjugé où l’on a si long-tems été que les noyaux d’abricots ne lèvent pas, ou au moins lèvent très-rarement. Il est vrai que des noyaux d’abricots gardés au sec, comme des pois ou des féves, lèvent assez rarement ; & je crois qu’ils lèveroient, si on avoit la patience de les attendre une seconde année.

La seconde méthode pour les semis consiste à confier à la terre le noyau dans l’instant que le fruit a été mangé. Pour cet effet, on met au fond d’un pot une couche de terre, & par-dessus une couche de noyaux, ensuite une seconde couche de terre & une de noyaux, jusqu’à ce que le pot soit plein de ces couches successives. Cette stratification reste exposée aux injures de l’air jusqu’au printems suivant : alors on tire ces noyaux de leur pot, & on les sème. Par ce moyen, on peut semer en place, au printems de 1781, les