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ou du moins à la charger de graviers. Le propriétaire veillera à ce que la rivière, dans ses débordemens, n’y fasse pas des excavations, & examinera attentivement lorsque les eaux se seront retirées. Sans cette observation, il risqueroit de faire blesser ses animaux, & peut-être de perdre leur conducteur, si la rivière est profonde & son cours rapide. Combien ne voit-on pas de pareils accidens sur les bords des grandes rivières ?

La seconde espèce d’abreuvoirs est due à la prévoyance & aux soins de l’homme, qui y est contraint par la loi impérieuse de la nécessité. C’est communément un lieu dont le bord d’un seul côté est en pente douce & pavée. Presque tous les abreuvoirs de ce genre sont environnés d’une muraille garnie par derrière d’un fort corroi de terre glaise bien battue, qui empêche l’échappement des eaux. Il seroit à desirer que l’eau pût en être souvent renouvelée, & que les conducteurs des chevaux ne les fissent pas baigner & trotter dans cet abreuvoir, quand même il seroit entiérement pavé. Il est constant que dans le fond, il y a toujours une couche de la terre que les eaux ont charriée, ou formée par la poussière transportée par les vents. Les chevaux, par leur piétinement, divisent cette couche limoneuse ; la terre se mêle avec l’eau, la trouble, & l’animal est obligé de la boire dans cet état.

Si l’on jette un coup d’œil sur l’organisation intérieure de l’animal, on verra qu’elle diffère bien peu de celle de l’homme, & que les fonctions vitales s’exécutent de la même manière. La boisson doit donc être pour l’un comme pour l’autre, c’est-à-dire, claire & limpide.

Il est essentiel d’insister sur cet objet, pour détruire une erreur presque généralement reçue. Croiroit-on que des hommes qui ont joui d’une réputation, je dirois même d’une certaine célébrité, ont été les premiers à écrire que les chevaux boivent l’eau trouble & épaisse avec plus d’avidité que l’eau claire ? il étoit cependant si aisé de se convaincre de l’absurdité de cette assertion par la simple expérience du contraire. Ils ont même été jusqu’à dire que l’eau trouble engraissoit l’animal, & qu’elle étoit pour lui infiniment plus salutaire que l’eau claire. Par quels moyens inconnus jusqu’à ce jour, cette portion grossière & terreuse peut-elle devenir une substance alimentaire ? Comment peut-elle s’élaborer dans l’estomac pour former ensuite le chyle, le sang, &c. ? Ne doit-on pas craindre plutôt qu’elle ne cause des engorgemens, des obstructions, de même la pierre dans les reins & dans la vessie, surtout chez les ânes & les mulets, qui y sont plus sujets que les chevaux ? L’expérience & la raison démontrent pour les hommes, comme pour les animaux, que les eaux légères, pures, douces, claires, & qui passent facilement dans tous les vaisseaux excrétoires, sont les seules eaux bienfaisantes : au contraire, celles qui sont crues, pesantes, croupissantes, imprégnées de substances hétérogènes, fournissent une boisson étrangère à la constitution de l’animal. On objectera l’exemple des

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