Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la ruche, & de ne point transporter de vieux couvain. S’il n’y avoit pas assez d’abeilles sur les gâteaux qu’on a pris, il faudroit en ajouter trois ou quatre cents pour les enfermer dans la boîte, afin qu’elles fussent à-peu-près au nombre de sept à huit cents, lequel suffit pour l’opération. Les abeilles étant dans leur nouvelle habitation, on les ferme exactement, de façon qu’aucune ne puisse sortir ; on transporte la boîte dans une chambre où l’air est tempéré, & on ne l’approche point du feu. Pendant quinze jours que les abeilles s’occupent à bâtir la cellule royale, il faut pourvoir à leur nourriture : deux ou trois livres de miel suffisent : on le leur donne dans le petit tiroir qui est au bas de la boîte. On pourroit le donner tout à la fois ; mais il vaut mieux le diviser pour en donner tous les deux jours.

Les abeilles, privées de leur liberté, commencent à bourdonner avec fureur, à monter & à descendre dans la boîte, pour chercher quelqu’issue afin de s’échapper ; le silence succède au bruit tumultueux de leur bourdonnement, qu’elles recommencent ensuite avec la même violence : peu à peu elles s’appaisent & se mettent à l’ouvrage ; & quelquefois, dès le second jour, elles commencent la cellule royale. On les garde enfermées dans la chambre deux ou trois jours ; si le tems étoit beau, on pourroit sortir les boîtes le matin, pour les placer dans le jardin : l’air extérieur rafraîchiroit les abeilles, & celui de leur boîte se renouvelleroit plus aisément. Le cinquième jour après leur captivité, on transporte la boîte dans un endroit éloigné des autres abeilles, & on ouvre la petite porte pour leur rendre la liberté ; on connoît le danger de les faire mourir, en les laissant plus long-tems enfermées, parce qu’elles se remplissent de miel avec excès, & ne rendent aucun excrément dans la ruche. Dès que la porte est ouverte, elles sortent toutes avec empressement, & bientôt l’habitation est entiérement vuide ; elles volent de côté & d’autre avec une vîtesse & une précipitation étonnantes, de sorte qu’on diroit qu’elles partent pour ne plus revenir, dans la crainte de retomber dans la captivité. Deux ou trois heures après, elles commencent à rentrer, ce qui tranquillise sur la frayeur qu’on auroit pu avoir qu’elles retournassent à la ruche d’où on les avoit sorties. Quand elles sont toutes rentrées, on ferme le soir leur porte, & la boîte est transportée dans la maison, à moins que le tems ne soit assez beau pour leur laisser passer la nuit dehors.

Quinze jours étant écoulés depuis qu’on a fermé les abeilles, il faut le soir leur rendre visite, ouvrir la boîte pour examiner si la cellule royale est ouverte : si on apperçoit qu’elle est rongée sur le côté, c’est une preuve que la reine est morte, parce qu’elle est sortie avant le tems : quand cette cellule royale, au contraire, est percée au milieu, on doit s’applaudir de l’opération qui a parfaitement réussi, puisque la reine est sortie de son alvéole, en bonne santé, pour se mettre à la tête du gouvernement de sa république. Il faut alors songer à loger cette nouvelle famille d’une manière