Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.

division seroit inutile, parce que les abeilles qui n’en auroient point, iroient toujours retrouver leurs compagnes, & jamais on ne pourroit les fixer dans la ruche qu’elles abandonneroient parce qu’il n’y auroit point de reine. Si on en avoit à sa disposition, on en mettroit une dans la ruche qu’on reconnoîtroit en manquer ; mais cela est encore difficile à connoître, parce qu’on ne l’apprend que par leur départ ; & alors la reine peut être inutile. Le meilleur expédient est donc de placer ces deux essaims qu’on n’a pu diviser, dans la même ruche ; ils tarderont peu à bien vivre ensemble : il y aura quelque tumulte au commencement, à cause des reines ; & la guerre qui s’allumera par rapport à elles, sera bientôt terminée par la mort de celles qu’on exclura du gouvernement de la république, pour rendre la paix à l’état.

Si l’on étoit prompt à suivre deux essaims qu’il n’a pas été possible de séparer lorsqu’ils étoient en l’air ; si l’on arrivoit presque au moment qu’ils se posent à l’endroit qu’ils ont choisi, on verroit voltiger à côté, & même sur le massif que forment les abeilles attachées les unes aux autres, plusieurs reines qu’il seroit facile de prendre avec les doigts, pourvu qu’on eût des gants ; ou avec une baguette longue & mince, engluée très-légérement, dont on toucheroit l’extrémité du corps de la reine, sans que les ailes, qui sont courtes, fussent atteintes ; on l’amèneroit à soi, pour la mettre tout de suite dans un gobelet ; on ramasseroit ensuite les deux essaims dans deux ruches, auxquelles on donneroit à chacune une reine.


Section VIII.

De l’ardeur des nouveaux Essaims pour le travail ; & comment il faut les gouverner dans leur établissement.


Dès qu’un essaim est logé dans une ruche de son goût, il n’y est pas long-tems sans commencer ses ouvrages, & jeter les fondemens des édifices qu’il doit construire. Quoiqu’on ne voie point sortir les abeilles le premier jour qu’elles sont établies, on se formeroit des idées désavantageuses de leur amour pour le travail, si l’on pensoit qu’elles ne s’occupent point, & qu’elles demeurent dans l’inaction & l’oisiveté. Dans les premiers momens de leur arrivée, elles emploient la cire qu’elles ont eu la précaution d’apporter toute préparée, avant d’en aller chercher de la nouvelle. Quelquefois elles ne sortiront que deux jours après leur arrivée ; alors, si on a la curiosité d’examiner l’intérieur de leur habitation, on y trouvera certainement un gâteau déjà commencé, & peut-être encore les premières ébauches d’un ou de deux autres. M. de Réaumur eut un essaim qui ne sortit que deux jours après son établissement, à cause de la pluie ; au bout de ce terme, il trouva un gâteau dans la ruche, qui avoit plus de quinze à seize pouces de long, sur quatre à cinq de large. Voilà sans doute la meilleure preuve, & la plus convaincante qu’on puisse apporter en faveur des abeilles, de leur ardeur pour le travail. Il est vrai que les premiers jours sont ceux où il se fait plus d’ouvrage : dans quinze jours un essaim travaille souvent plus en cire