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en plusieurs pelotons, qui ont un chef avec eux : mais les abeilles, qui n’aiment pas que leur république soit affoiblie par ces divisions, abandonnent peu-à-peu ces reines surnuméraires, qui les ont entraînées dans leur fuite, pour rejoindre la troupe qui a le plus de monde. Dans les circonstances où les abeilles sont divisées par pelotons, on les ramasse tous dans la même ruche ; on leur laisse le soin de choisir la reine qu’elles desirent mettre à la tête de leur république, & de se défaire des autres, qui seroient à charge à l’état qu’elles troubleroient par leurs divisions continuelles. Les jeunes reines qui sont restées dans la mère-ruche, n’auront pas un sort plus heureux que celles qui ont eu l’ambition de prétendre au commandement de la colonie qui en est partie ; elles seront mises à mort comme celles qui ont pris la fuite. C’est un fait dont il est aisé de se convaincre soi-même. Qu’on visite une ruche deux jours après que l’essaim est parti, il sera très-rare qu’on ne trouve pas au pied de la table, ou à peu de distance, quelques reines qui auront été massacrées, comme celles qui ont suivi l’essaim. Si on apperçoit plusieurs reines sur les différens pelotons que forme un essaim divisé, on peut les prendre & en débarrasser les abeilles, qui se réuniront plutôt, en ayant cependant attention de leur en laisser au moins une.

On a vu des essaims avoir deux reines, qui vivoient en paix & en bonne intelligence dans la même ruche : ce sont alors deux républiques bien distinguées, dont les individus travaillent chacun de leur côté pour le bien de l’état dont ils sont membres. Les ouvrages de ces deux républiques, divisées par un mur de séparation, ne sont point mêlés ni confondus ensemble. Ce sont là des faits très-rares ; & quand ils arrivent, ces sortes de ruches ne prospèrent que la première année, parce qu’à mesure que la population des deux familles augmente, l’habitation devient trop étroite, & la division se met parmi elles. Si une famille cède à l’autre son emplacement, ce n’est qu’après une guerre sanglante, où il y a bien des morts de part & d’autre ; & souvent il arrive qu’elles prennent toutes deux la fuite.

Quand on a plusieurs ruches, on est exposé à voir partir plusieurs essaims le même jour, & quelquefois à la même heure : si ce sont des premiers, étant assez ordinairement bons, & les meilleurs qu’on puisse attendre de l’année, on doit faire son possible pour les séparer lorsqu’ils se réunissent dans leur vol, en leur jetant du sable à pleines mains, ou de l’eau, & ne point attendre qu’ils se posent tous au même endroit pour ne former qu’un corps de troupe. Malgré toutes ces précautions, on ne réussit pas toujours à les diviser, & alors il faut les mettre dans la même ruche. On pourroit, je l’avoue, partager la masse que forment deux essaims réunis, en deux portions égales, qu’on mettroit chacune dans deux différentes ruches : ce n’est pas même une opération bien difficile à exécuter ; mais l’essentiel est de savoir si toutes les reines ne seront pas dans la même. Dans ce cas, la