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rent à la royauté, les soins qu’ils prennent pour gagner des suffrages, & les disputes des électeurs, peu d’accord peut-être sur le choix du sujet qu’ils veulent élever à la dignité de souverain. Si l’ambition fut jamais permise, s’il y a des circonstances où l’on n’est point coupable de s’occuper de ces projets d’élévation qu’on ne peut conduire à une fin heureuse qu’au préjudice d’un concurrent également ambitieux, c’est sans doute dans une occasion pareille où le choix donne la vie avec la royauté, & l’exclusion la mort. Il seroit plus beau sans doute, & ce seroit faire preuve de la vertu la plus héroïque, de préférer la mort à une dignité pour laquelle on manque de talens nécessaires ; de sacrifier son intérêt particulier à celui de la patrie, & de se dévouer entiérement au salut & au bien de la république, en renonçant de plein gré à une dignité qu’on ne peut posséder sans causer de troubles : mais les abeilles, qui nous apprennent tant de choses, ne nous ont pas encore donné l’exemple d’une si rare vertu.

Ce bourdonnement extraordinaire, qui, selon toute apparence, est une marque d’inquiétude & d’impatience, qui annonce le mal-être des abeilles dans une ruche trop petite pour les contenir, a été interprété d’une manière assez singulière par ceux qui se plaisent à trouver du merveilleux, où il n’y a rien que de très-naturel. Charles Butler, qui a déterminé les différentes modulations du chant des abeilles, a pris les bourdonnemens aigus qu’on entend dans une ruche, pour les gémissemens & les complaintes de la jeune reine, qui supplie la mère de lui permettre de conduire une colonie hors de ses états. Il asure très-sérieusement que la reine-mère est quelquefois deux jours sans acquiescer à sa prière ; & que lorsqu’elle lui accorde sa demande, c’est avec un ton de voix sonore & plein : alors on est assuré que l’essaim partira, puisque la jeune reine a obtenu la permission de le conduire. L’auteur du Traité des Mouches à miel n’avoit point l’oreille aussi musicienne que Charles Butler, puisqu’il a confondu dans le chant des abeilles les sons graves avec les aigus : il est étonnant qu’il n’ait pas imaginé qu’un ton plus fort & plus sonore annonceroit mieux la gravité du chef, qu’une petite voix aiguë, avec laquelle il prétend qu’une mère abeille harangue ses sujets. Il assure qu’avant le départ d’un essaim, la reine-mère » fait un petit ramage ou un chant agréable sur les quatre à cinq heures du matin, & sur les huit à neuf heures du soir : pendant ce chant, toutes les mouches de la ruche sont dans le silence & lorsqu’elle a fini, toutes les abeilles ensemble font un grand bourdonnement sur le siège, courant sur icelui : c’est une marque alors que dans peu elles essaimeront. »

L’abbé de la Ferrière donne aussi pour marque très-certaine qu’une ruche essaimera bientôt » lorsqu’on entend le soir un grand bourdonnement dans la ruche, & que parmi ce bourdonnement, on en distingue une qui sonne, pour ainsi dire, du clairon ». M. Simon dit que trois ou quatre jours avant la