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toujours avec fureur sur celui qui vient les troubler dans leur domicile, pour leur faire un vol qui n’est jamais de leur goût, quelque abondantes que soient leurs richesses.

Le jour qu’on a fixé pour tailler les ruches, on leur donne dans la matinée une hausse vuide qu’on ajoute par le bas ; & dans l’après-dîner, on les dégraisse. Quand on fait cette opération dans le mois d’Octobre, on n’ajoute point de hausse vuide ; ce n’est que dans le mois de Mai ou de Juin. On pourroit donner la hausse vuide la veille, si on vouloit tailler le lendemain dans la matinée. Pour faire cette opération, io. on soulève légérement avec un ciseau le couvercle de la hausse supérieure qu’on veut enlever ; 2o. on sépare cette même hausse de la suivante en la soulevant avec le ciseau, & on met entre les deux de petits coins, afin de les tenir séparées, pour que le fil de fer qui doit les diviser passe plus aisément ; 3o. on fait entrer la fumée dans la hausse qu’on veut enlever, après avoir détaché son couvercle, pour obliger les abeilles à descendre dans le bas de la ruche ; 4o. on se place derrière la ruche pour n’être point vu des abeilles, & afin qu’elles puissent sortir & entrer librement ; on passe ensuite doucement, & en sciant, le fil de fer entre les deux hausses, & dans l’instant elles sont séparées. Après avoir enlevé la hausse, on place sur la suivante, qui est devenue la première, le couvercle & les planchettes, & on assujettit le tout à l’ordinaire.

Ce fil de fer ou de laiton dont on se sert pour séparer les hausses, est fort mince ; pour le rendre plus souple, on le passe au feu. On y attache à chaque bout un petit bâton de trois à quatre pouces de longueur, pour le tenir plus surement quand on opère pour séparer les hausses. Avec cette méthode de tailler les ruches, les abeilles s’apperçoivent à peine du vol qu’on leur fait, puisque la ruche n’est ni déplacée ni dérangée, & qu’on ne touche point à l’endroit qu’elles habitent : elles ne courent aucun danger d’être coupées, ni écrasées par la chûte des gâteaux : le couvain est en sureté, puisqu’il ne se trouve jamais dans le haut de la ruche, mais toujours dans le milieu & dans le bas : on ne prend donc exactement que du miel & de la cire, sans nuire aux abeilles & sans les tourmenter.

Un des grands avantages de cette méthode de tailler les ruches, & que ne procurent point celles de l’ancien systême, c’est d’entretenir l’activité laborieuse des abeilles, sans les dégoûter de leur domicile : lorsqu’on leur enlève une partie de leurs provisions dans la saison propre à réparer leurs pertes, elles ne sont point effrayées d’une hausse vuide qu’on ajoute par le bas de leur ruche, pour remplacer celle qu’on enlève par le haut : leur ardeur pour le travail se ranime à la vue d’un vuide à remplir, & qui n’étant pas excessif n’est point capable de les décourager, quand même elles seroient en petit nombre. Si on fait cette opération en automne, on ne craint point de les exposer aux rigueurs de l’hiver, puisqu’on diminue la capacité de leur habitation qui pourroit être trop vaste, & on profite d’une partie de leurs provisions qui leur