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deux ruches ainsi disposées, laissent toujours quelqu’intervalle, & que les bords de l’une ne posent pas si exactement sur ceux de l’autre, pour que les abeilles ne puissent point s’échapper, on enveloppe avec un linge les deux ruches à leur jonction, afin de boucher parfaitement les intervalles par lesquels les abeilles trouveroient des issues pour sortir : on renverse sens dessus dessous ces deux ruches ainsi disposées, afin que celle qui est pleine se trouve en bas ; on frappe alors, à petits coups répétés, avec une baguette qu’on tient dans chaque main, sur la ruche où sont les abeilles, en commençant à frapper au sommet, & continuant jusqu’à la jonction : après avoir frappé sans interruption pendant quatre ou cinq minutes, on approche l’oreille de la ruche supérieure, pour écouter si les abeilles y sont passées. Si on entend un bourdonnement considérable, c’est une preuve que la reine y est déjà avec une grande partie de sa suite : on continue à frapper, si on entend encore beaucoup d’abeilles bourdonner dans la ruche inférieure ; & quand elles s’obstinent à ne vouloir point déloger, on a recours à la fumée ou à d’autres moyens, comme il sera dit dans la Section suivante.

Si on présume que les abeilles, ou du moins le plus grand nombre, sont passées dans la ruche supérieure, on la détache pour la placer tout de suite sur la table où étoit l’ancienne, qu’on renverse sur un linge étendu par terre ; on fait tomber sur le linge les gâteaux qui sont dedans, & on oblige les abeilles qui y sont restées, à les quitter, en les balayant avec une plume ; on emporte ensuite la vieille ruche & les gâteaux qui seroient un sujet de tentation pour elles. Pour faciliter à celles qui sont sur le linge l’entrée de leur domicile, où sont leurs compagnes, on met une petite planche dont une extrémité est appuyée contre la table de la ruche, & l’autre repose à terre ; & les abeilles passent sur ce pont qu’on leur a fait pour se rendre dans leur habitation. Quand on a transvasé une ruche, on doit avoir attention de mettre dessous un morceau de gâteau pris dans l’ancienne, ou deux ou trois cuillerées de miel sur une assiette, afin d’accoutumer les abeilles dans leur nouvelle habitation, qui, étant dépourvue de tout, pourroit les dégoûter, & les engager à porter le ravage chez leurs voisines, pour satisfaire leur appétit, quoique la campagne leur offre des provisions en abondance.

On sait que le couvain est l’espérance la plus chère des abeilles, qui prennent des soins & des peines infinies pour l’élever ; qu’il fournit de nouvelles colonies, qui augmentent nos richesses par leurs travaux ; & qu’il répare les pertes journalières de la république par les nouveaux sujets qu’il fournit, pour remplacer ceux qui meurent de vieillesse, ou qui deviennent la proie de leurs ennemis. On ne sauroit donc prendre assez de précautions pour le conserver : quand il y en a dans la ruche qu’on transvase, afin de lui donner le tems d’éclore, & aux abeilles celui de finir le cours de son éducation, on laisse les deux ruches réunies, & on ne les sépare qu’au bout de trois