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il a été dit, & plus souvent s’il est nécessaire. Qu’on ne permette point aux fausses teignes, aux araignées de s’établir & de se rendre maîtresses de leur domicile ; qu’on éloigne ces ennemis dégoûtans & destructeurs, & on les verra s’occuper à travailler à leurs ouvrages, à faire d’abondantes récoltes pour les placer dans leurs magasins ; elles ne seront point tentées alors d’abandonner les richesses qu’elles auront amassées, pour aller porter le désordre & le trouble dans les républiques voisines, qui ne seront point pour elles un objet de jalousie.

Les ruches foibles sont ordinairement celles qui s’adonnent au pillage, quand leurs provisions sont sur le point d’être consommées ; il est donc important de n’avoir que de bonnes ruches. Qu’on réunisse donc ensemble les essaims tardifs, qui sont toujours peu nombreux en abeilles, & les ruches qui sont peu fournies d’ouvrières propres aux travaux de l’état : quand elles seront en grand nombre dans une habitation, elles ne seront point effrayées des ouvrages qu’elles auront à faire, qui deviendront peu considérables, étant partagés entre un grand nombre d’ouvrières, qui s’occuperont toutes avec ardeur à ramasser les provisions qui leur sont nécessaires. Quand une république d’abeilles a perdu sa reine, il est fort à craindre qu’elle n’abandonne son domicile ; on peut s’assurer de cette perte en soulevant la ruche ; & si on trouve ce chef mort, il faut le remplacer, à moins qu’on n’apperçoive une cellule royale sur les gâteaux, & dans ce cas, il suffiroit de tenir les abeilles renfermées jusqu’à la naissance de leur reine, qui sortiroit dans peu de jours de sa cellule, pour les consoler de leur perte & ranimer leur courage. Quand on ne découvre point de cellule royale, il faut avoir recours aux autres ruches qui en ont plusieurs ; on en détache une qu’on vient placer sur les gâteaux de celle qui en manque : l’espérance de voir bientôt une jeune reine succéder à celle que la mort leur a enlevée, dissipera leurs ennuis & leurs chagrins, les fixera dans leur habitation, & elles reprendront leurs ouvrages avec une nouvelle ardeur.

Tous ces moyens réussissent avec des abeilles d’une bonne espèce, qui ne sont point portées par inclination, ni par paresse, au libertinage, & à piller ; mais il seroit inutile de les employer avec les grosses brunes, ou les grises, qui sont naturellement portées à voler, & qui n’ont aucune ardeur pour le travail. Il n’y a pas d’autre traitement à leur faire, que de les étouffer, comme une race meurtrière qu’il est impossible de corriger, & qui, dans peu d’années, perdroit par ses ravages, le rucher le mieux fourni. Qu’on ne se flatte pas de les rendre meilleures en les éloignant, afin qu’elles n’aient plus la même facilité de nuire : quelque part qu’on les mette, elles n’oublient point le chemin du rucher ; & à moins qu’elles ne soient à une distance de trois ou quatre lieues, elles y reviendront causer du trouble & des ravages épouvantables.

Quoiqu’on ait disposé toutes les ruches de façon qu’elles ne soient point tentées d’aller piller leurs voisines, il peut, pendant l’hiver,