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amère que douce ; elle devient jaunâtre dans la suite du tems, se corrompt, & engendre les vers ou grillots, qui dégoûtent & font périr les abeilles ». Il recommande de l’ôter avec soin lorsqu’on l’apperçoit dans les gâteaux. Ce raisonnement fait comprendre combien il étoit peu instruit dans l’histoire naturelle des abeilles, & dans la physique. Ce qu’il nomme rougéole, n’est point un miel sauvage, dont il soit dangereux pour les abeilles de se nourrir ; c’est la cire brute dont elles font des provisions, parce que c’est un aliment qui leur est si nécessaire, que quand elles en sont privées, elles deviennent sujettes à la dyssenterie. Ce prétendu miel sauvage est encore la matière première dont elles font la cire pour bâtir les alvéoles. M. Simon, aussi mauvais physicien que l’abbé de la Ferrière, a donné dans la même erreur.


CHAPITRE V.

Du Pillage, et des ennemis des Abeilles.


Section première.

Dans quelle saison le Pillage est-il à craindre, & quelles sont les causes qui y donnent lieu.


Le pillage si à craindre & si terrible pour les abeilles, ce sont les vols & les pirateries qu’elles exercent entr’elles ; il n’est à redouter que quand la campagne ne leur offre plus de nourriture, c’est-à-dire, depuis la fin de Juillet, jusqu’en hiver, dans les pays où l’on ne cultive ni bled noir, ni navette ; & depuis leur première sortie, jusqu’à ce que les fleurs commencent à paroître, surtout si elles sont retenues dans leur habitation par des pluies qui continuent plusieurs jours de suite : n’ayant plus alors de quoi manger chez elles, & le mauvais tems les empêchant d’aller au loin soulager la faim qui les presse, il est tout naturel qu’elles aient recours à leurs voisines, pour tirer leur part des provisions dont elles abondent.

Les abeilles d’une bonne espèce ne se livrent point au pillage par paresse, ni par libertinage ; elles n’ont recours à cet expédient affreux & violent, que pour se procurer les provisions dont elles ont un besoin urgent, & qu’elles ne trouvent plus dans leurs magasins : c’est donc la nécessité qui les force de déclarer la guerre à leurs voisines, afin de pouvoir vivre ; si celles-ci avoient plus d’amour pour leur espèce, & que, touchées de leur indigence, elles ne s’obstinassent pas à leur refuser une partie de ces provisions, dont elles ont une abondance superflue ; qu’elles missent moins de zèle à les défendre, celles qui sont pressées par la faim, iroient paisiblement se rassasier dans leurs magasins, & s’en retourneroient ensuite, sans causer le moindre trouble, ni aucun désordre ; sauf à retourner quand la faim les y obligeroit.

On peut assigner trois causes, qui déterminent les abeilles de la meilleure espèce à piller leurs voisines. 1o. Le défaut de provisions, & un tems mauvais ou pluvieux, qui ne leur permet pas de sortir & de se répandre au loin dans la campagne, pour y chercher de quoi