Il y a eu, en effet, en Europe, deux introductions distinctes de la Pomme de terre : celle dont nous venons de parler, et celle qui, dans le même temps, c’est-à-dire vers la fin du XVIe siècle, en a été faite en Angleterre. Le fait de ces deux introductions est d’autant plus remarquable qu’elles se sont effectuées sous la forme de deux variétés bien connues du Solanum tuberosum, celle à tubercules jaunâtres et à fleurs violacées pour l’Angleterre, et celle à tubercules rougeâtres et à fleurs violettes pour le continent européen. Si l’introduction qui en a été faite sur ce continent a débuté par l’importation en Espagne du précieux tubercule, apporté directement du Pérou, la Pomme de terre a suivi une autre voie pour pénétrer en Angleterre. Comme nous le verrons, avec de plus amples détails, on est porté à croire que son exportation directe de la Virginie, dans l’Amérique du Nord, peut être attribuée à une importation momentanée, dans cette colonie anglaise, de tubercules transportés sur des vaisseaux espagnols qui auraient été pillés par des navires anglais. Car le Solanum tuberosum n’étant pas indigène dans la Virginie, il fallait bien expliquer de quelque façon que ce fût son apparition dans ces parages à peine explorés, en provenance du Pérou où il était cultivé depuis un temps immémorial.
Voyons donc quels sont les documents historiques qui permettent de suivre pas à pas ce qui s’est passé en Angleterre, à ce propos, vers la fin du XVIe siècle.
§ 1. Introduction de la Pomme de terre en Angleterre. — En 1584, Sir Walter Raleigh avait reçu de la Reine Élisabeth une patente royale, qui lui avait été octroyée à charge par lui d’organiser la colonisation anglaise dans un territoire de l’Amérique du Nord, nouvellement découvert, et qui en l’honneur de la Reine et de son célibat fut appelé Virginie. Le point central où les débarquements se sont effectués paraît avoir été surtout l’île de Roanoak. Plusieurs expéditions furent faites, mais sans résultats pratiques, jusqu’en 1588, et Raleigh se dessaisit de sa patente en 1590. Dans l’une de ces malheureuses expéditions, des colons étaient restés en Virginie toute une année, dénués de toutes les ressources qu’ils avaient espéré y trouver pour s’y établir, et n’attendant plus avec anxiété que l’arrivée du navire qui devait leur apporter des secours de toute espèce. Avant l’arrivée de ce navire, il advint que