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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 57

faudra toujours recourir pour retrouver la véritable Pomme de terre sauvage ou S. tuberosum[1].

Toutefois pour le S. tuberosum, nous devons avouer que nous ne pouvons partager entièrement l’opinion de A. de Candolle. Nous sommes, en effet, d’accord avec lui quant à l’origine chilienne de cette espèce. Mais nous avons été conduits à reconnaître que le S. Maglia, loin d’en être une simple forme originelle, en est au contraire une espèce parfaitement distincte, comme l’avait établie Schlechtendahl. Darwin, dans son récit du Voyage du Beagle, en 1835, après avoir parlé de la Pomme de terre sauvage qu’il avait découverte dans l’Archipel Chonos et qui n’était autre que celle cultivée, décrite et figurée par Sabine, c’est-à-dire le S. Maglia, terminait ainsi le passage où il est question de cette Pomme de terre sauvage : « Il est remarquable que la même plante puisse se trouver sur les montagnes stériles du Chili central, où une goutte de pluie ne tombe pas pendant plus de six mois, et dans les forêts humides de ces îles méridionales. » M. Baker faisait, avant de changer d’opinion, très judicieusement observer, à ce propos, que « la véritable explication de ce que disait ainsi Darwin, avec une sagacité caractéristique, est évidemment que la plante des Chonos et celle des Cordillères du Chili sont chacune une espèce distincte. » M. Baker a cru devoir depuis lors changer d’opinion, mais cela ne diminue en rien l’opinion assurément fort juste émise par Darwin.

Grâce à l’obligeance de M. Blanchard, qui a bien voulu nous envoyer, de Brest, des tubercules des Solanum Ohrondii, Fendleri et Maglia, nous avons pu les cultiver et en suivre le développement. Or, nous sommes de l’avis de M. Carrière, les échantillons vivants nous en apprennent plus, pour la distinction des espèces critiques, que


  1. — L’idée que l’on se fait, en philosophie botanique, d’un véritable type spécifique, est sujette à de grandes controverses. Certains esprits considèrent comme espèces des formes plus ou moins stables d’un type variable : ce que nous appelons les variétés du Solanum tuberosum pourraient à ce point de vue être regardées par eux comme de véritables espèces. D’autres, au contraire, cherchent à restreindre le plus possible l’extension que l’on donnerait ainsi à l’idée de l’espèce : c’est une opinion réductrice à outrance que, suivant nous, rien ne justifie et qui ne pourrait avoir pour résultat que de bouleverser inutilement l’ordre systématique généralement adopté. Nous doutons fort que cette opinion soit partagée par les esprits moins exclusifs de la vérité des faits.