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SON INTRODUCTION EN FRANCE

Malgré toute l’impulsion qui était ainsi donnée à la culture et à la consommation de la Pomme de terre, il est curieux de lire dans un ouvrage, qui plus tard devait tant servir à préconiser cette Solanée, ce que disait, en 1805, le rédacteur du Bon jardinier.

« Pomme de terre (Morelle, Truffe, Patate, Solanum tuberosum). — Il n’y a point de légume sur lequel on ait tant écrit, et pour lequel on ait montré tant d’enthousiasme. On en a fait du pain, trouvé excellent par les riches, des biscuits de Savoie, des gâteaux, des ragoûts de toutes les sortes, et puis on a dit : Le pauvre doit être fort content de cette nourriture. Notez que les premiers pains faits avec la pulpe de ce tubercule étoient mêlés de bonne farine ; que les ragoûts étoient bien assaisonnés, etc. Les têtes échauffées par les prédications des Économistes, ont employé des terres à froment à la culture de ce légume, qui, anciennement, étoit à bas prix, et qui est devenu cher pour le peuple, surtout à Paris et aux environs. Ce n’est pas ici le lieu de réfuter tous les systèmes imaginés sur cette matière. D’ailleurs, l’enthousiasme tombe et en même temps le prix de la denrée. Avant qu’on l’eût tant prônée, elle étoit d’un très grand usage dans plusieurs Provinces, et le pauvre en avoit toujours fait sa nourriture ; ainsi, il étoit inutile de tant écrire sur ce sujet. Il est bon d’observer que, quand une fois on en a planté dans un terrain, il en produit toujours, quelque chose qu’on fasse, parce qu’en relevant les tubercules il s’en échappe de très petits qui forment d’autres Pommes dans la suite. Dans les différens écrits où l’on a présenté ce légume comme une nourriture saine et de facile digestion, on n’a pas eu soin de distinguer le sol et le climat qui lui convenoit pour qu’il fût sain et de facile digestion. Les Patates auront ces deux qualités, si elles sont cultivées dans un terrain sec et chaud ; mais elles seront lourdes et indigestes, si elles proviennent d’un sol froid et humide. Il semble que cette observation étoit nécessaire à faire. »

On peut considérer cet Article comme une Note discordante qui se faisait alors entendre dans le concert d’éloges dont la Pomme de terre était l’objet, et comme un dernier écho des préjugés de l’époque.

Mais le mouvement était donné, la culture de la Pomme de terre devait prendre chaque année une extension de plus en plus grande. Elle était à peu près partout répandue en France, en 1845,