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SON INTRODUCTION EN FRANCE 161


reurs, les bergers s’obstinèrent à n’en donner à aucune espèce de bétail. Mon obstination devait vaincre la leur : à la quatrième récolte, je m’aperçus qu’on avait volé des Pommes de terre dans mes champs. Les vols continuèrent, j’en fus avertis : « Tant mieux, répondis-je ; ils commencent donc à s’y accoutumer ; mais ils ont tort de les prendre à mon insu, car je ne demande pas mieux que de les leur donner ». Depuis lors, cette culture s’est propagée dans tout le canton, non qu’elle ait acquis l’importance qu’elle doit avoir, mais presque chaque famille en a une petite provision. Seul encore, je lui consacre une étendue considérable de terrain… Cette année qui, à la vérité, a été des plus favorables, nous en avons recueilli 1,527 hectolitres sur une jachère de six hectares de contenance[1] ; la moitié de cette superbe récolte a été retirée par les colons et est allée alimenter vingt-quatre familles. La Pomme de terre que je cultive est la blanche jaune marbrée de rouge ; elle réussit bien et est d’un gros volume. J’ai essayé plusieurs variétés ; elles ont dégénéré promptement ».

» Cette culture devait avoir pénétré en Dauphiné dès le milieu du XVIIIe siècle : car Villars écrivait en 1787 : « On cultive la Pomme de terre depuis les basses plaines de la Province jusqu’aux derniers plateaux des Alpes, où la rigueur du climat refuse l’accroissement à la plante, le développement aux fleurs, tandis que la température du globe fait végéter sa racine, d’autant plus agréable qu’elle croît dans une terre plus fine, dans un climat plus élevé ».

» De son côté, M. Quizard, propriétaire à Thonon, déclarait en 1809 que, depuis 40 ans, cette culture s’était fort étendue dans les Alpes de la Savoie, ajoutant : « Il n’y a pas un habitant qui n’en cultive ; nos paysans ne peuvent s’en passer (Mémoires de la Société d’Agriculture de la Seine).

» C’est encore vers cette époque qu’elle s’était répandue dans le Lyonnais. On lit, en effet, à la page 130 du Voyage au Mont Pilat de La Tourette, de l’année 1771 : « Cette plante se cultive à Pilat et dans tout le Lyonnais ; sa racine tubéreuse fournit un aliment bon et sain ; son goût est préférable à la truffe du Taupinambour des Anglais ».

M. Clos, dans son Mémoire si rempli de précieux documents, ne


  1. — Soit par hectare 254 hectol., ou en poids 20.320 kilogr.