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158 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

Pommes de terre leur servent de nourriture unique. Dans les diverses provinces de l’Allemagne, et dans d’autres pays, des millions d’habitants vivent quasi uniquement de Pommes de terre. Un de mes amis, gouverneur d’une petite province, se trouvant avec moi en 1772 dans une Compagnie où on éleva cette question, dit en riant que les habitans de cette contrée n’avoient quasi eu pour nourriture depuis trois ans que des Pommes de terre, et que jamais on n’avoit moins entendu parler de maladies que pendant ce tems… En général, on peut dire que sans les Pommes de terre, on auroit vu périr de faim dans toute l’Allemagne, dans les pays du Nord, en Suisse, etc., des cent mille personnes, peut-être des millions, vu la disette extrême des bleds qu’on ne pouvoit pas se procurer en quantité nécessaire, même pour de l’argent : chacun demandoit du pain, on n’en avoit pas et les Pommes de terre y suppléèrent…

» En Allemagne, on se sert des Pommes de terre pour toute espèce d’animaux, chevaux, brebis, chèvres, cochons, volailles, les poissons même et les écrevisses s’en engraissent dans les réservoirs… Le commun du peuple les mange simplement bouillies à l’eau avec du sel, ou cuites au lait qui font une nourriture agréable aux personnes de condition même ; grillées, frites au beurre, en beignets et de tant d’autres manières… »

Voyons maintenant de quelle façon la culture de la Pomme de terre a pu s’établir dans le reste de la France. Nous nous servirons pour cela des documents que M. Clos a rassemblés et qu’il a publiés, en 1874, sous ce titre : Quelques documents pour l’histoire de la Pomme de terre, dont nous avons déjà cité plusieurs extraits.

« On lit, dans un des articles de fond les plus récents, dû à la plume de M. Gossin (Encyclopédie de l’Agriculture, 1866), que la Pomme de terre, après s’être propagée rapidement en France, vers 1592, dans la Franche-Comté, les Vosges et la Bourgogne, subit, comme tant d’autres choses utiles, l’épreuve de la persécution et qu’au milieu du XVIIIe siècle, elle était encore fort peu estimée en France, sa culture en grand n’existant nulle part, si ce n’est peut-être sur quelques points des Vosges.

» Cette assertion est beaucoup trop générale : mais il n’en est pas moins vrai que c’est en effet dans le Nord de la France que la Pomme de terre prend possession de notre sol avant le milieu du XVIIe siècle.