Page:Roze - Histoire de la Pomme de terre, 1898.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.
SON INTRODUCTION EN FRANCE 139

tre forment, par leur réunion, une espèce de clou ; le pistil se change en une grosse baie charnue, qui devient jaune en mûrissant, et dans laquelle se trouve quantité de semences. Cette plante pousse en terre vers son pied trente ou quarante grosses racines tubéreuses, qui ressemblent en quelque façon à un rognon de veau. Sur la superficie de ces racines on apperçoit des trous d’où sortent les tiges et les racines chevelues qui nourrissent la plante, et qui donnent naissance à de nouvelles pommes. Il y a de ces pommes dont la peau est d’un rouge de pelure d’ognon, d’autres sont presque blanches.

» Les Irlandois font tant de cas de cette plante qu’ils nomment Potatoes, qu’ils n’épargnent aucun soin pour s’en procurer en abondance. Ils labourent et hersent leur champ ; et après y avoir fait des trous d’un pied de profondeur sur deux de largeur, éloignés les uns les autres de trois pieds, ils les remplissent de fumier qu’ils foulent bien ; ils mettent sur ce fumier une Pomme de terre dans chaque trou, qu’ils recouvrent avec la même terre qu’ils en ont tirée : à mesure que les Pommes de terre poussent, ils les rehaussent avec le reste de la terre qui est à leur portée, ce qu’on répète jusqu’à deux fois, en observant de ne pas tirer dehors les tiges qui se couchent sur la terre. Au moyen de ces précautions, il est arrivé quelquefois qu’une seule Pomme en a produits à 900[1]. Comme cette pratique consomme beaucoup de fumier, elle ne peut guère être avantageuse qu’aux environs des grandes villes. Voici maintenant la culture la plus ordinaire de cette plante.

» Je ne parle point de la nature du terrein, parce que cette plante s’accommode assez bien de toutes sortes de terres ; à cette différence seulement que les productions seront proportionnées à la bonne ou mauvaise qualité du sol.

» Le champ qu’on destine à produire des Pommes de terre ayant été bien labouré, on fait dans toute son étendue, vers la fin de février ou au commencement de mars, des rigolles de cinq à six pouces de largeur : ou en règle la profondeur sur celle du sol ; en conséquence on les fait plus profondes dans les terres qui ont beaucoup de fond.


  1. — Il doit y avoir erreur pour ces nombres. Mais les deux éditions de 1762 et 1779 indiquent bien ces chiffres de « 8 à 900 ». C’est évidemment une évaluation singulièrement exagérée.