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SON INTRODUCTION EN FRANCE 137

» M. Faiguet de Villeneuve, associé libre, a imaginé que les Patates pourroient servir directement à diminuer la consommation annuelle des grains, et devenir une ressource dans les années de disette. Après différentes épreuves, il est parvenu à associer ces racines[1] à la farine de Seigle, à celle de Froment, et à trouver la proportion qu’exigeoient ces mélanges pour en faire de bon pain. Ce pain, dont M. de la Bourdonnaye, Procureur général syndic des États, plusieurs associés et d’autres personnes ont mangé, n’a qu’un seul défaut. C’est de ressembler à ce qu’on nomme du pain gras-cuit, mais ce défaut n’est sensible qu’aux mains et aux yeux. C’est un pain agréable au goût, et les substances dont il est composé ne permettent pas de douter qu’il ne soit fort sain.

» Pour disposer les Patates à se mêler avec de la farine de Froment, de Seigle, et même de Blé noir, on les met tremper dans l’eau froide pendant un demi-jour, et on les remue avec un bâton pour enlever la terre qui peut y être attachée. On examine ensuite chaque racine, pour rejeter celles qui ont des taches de pourriture. On les donne au bétail. Après ce triage, on met les Patates dans de nouvelle eau, où elles sont bien lavées, afin de les dégager de la terre et du sable qui auroient résisté à la première lotion.

» On fait cuire les Patates dans de l’eau bien nette. Quelques bouillons suffisent pour la cuisson. On les pile dans une auge de bois, et on les délaye ensuite avec beaucoup d’eau froide ou chaude. On passe le tout d’abord par une espèce de crible, et ensuite par un ou deux couloirs plus fins. Le marc qui n’a pu passer, ou par le crible, ou par les couloirs, se pile et se passe une seconde fois. Enfin on donne le dernier marc au bétail et aux volailles.

» Ce qui a passé par les couloirs est mis à reposer dans un ou plusieurs vases. Comme la quantité d’eau est abondante, l’espèce de farine de Patates se précipite en assez peu de temps. On verse l’eau par inclination, et on la conserve, parce qu’étant chargée de parties farineuses, elle peut servir pour pétrir le pain, pour faire


  1. — « Les Patates ne sont point des racines proprement dites. Ce sont des tubercules attachés aux racines propres de la plante. Mais on a mieux aimé se servir d’un terme court et que tout le monde pouvoit entendre » que de s’astreindre à une précision inutile dans cette occasion, et qui n’eût servi qu’à embarrasser l’exposition des faits. »