Page:Roze - Histoire de la Pomme de terre, 1898.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
130 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

» Ce fruit[1] est susceptible de toute sorte d’assaisonnemens : on le coupe cru par tranches minces, et on le fait frire au beurre ou à l’huile, après l’avoir saupoudré légèrement de farine : on le fait cuire dans l’eau, et après lui avoir ôté sa peau, on le coupe par tranches et on le fricasse au beurre avec l’oignon : on l’apprête aussi à la sauce blanche ; d’autres le font cuire au vin ; mais la meilleure façon est de le hacher après qu’il est cuit et d’en faire une pâte avec de la mie de pain, quelques jaunes d’œufs et des herbes fines, dont on fait des boulettes qu’on fait roussir au beurre dans la casserole. Les gens du commun le mangent cuit simplement dans les cendres, avec un peu de sel ; et dans les montagnes on en fait du pain. Il s’en fait enfin une consommation très considérable, particulièrement dans les provinces voisines du Rhône ; et, outre qu’il sert de nourriture aux hommes, on en engraisse les animaux. J’avouerai cependant que c’est un manger fade, insipide, et fort à charge à l’estomac ; mais il a un certain goût qui plaît à ses amateurs : que peut-on objecter contre ? et quand on est accoutumé à une chose, combien ne perd-elle pas de ses défauts ? Un fait certain, c’est que ce fruit nourrit, et que par la force de l’habitude, il n’incommode point ceux qui y sont accoutumés de jeunesse ; d’ailleurs, il est d’un grand rapport et d’une grande économie pour les gens du bas état : ces avantages peuvent bien balancer ses défauts. Il n’est pas inconnu à Paris ; mais il est vrai qu’il est abandonné au petit peuple, et que les gens d’un certain ordre mettent au-dessous d’eux de le voir paraître sur leur table : je ne veux point leur en inspirer le goût, que je n’ai pas moi-même ; mais on ne doit point condamner ceux à qui il plaît, et à qui il est profitable.

» Je ne lui connois aucune propriété pour la médecine, les auteurs l’ont passé sous silence ; mais on avoit imaginé, il y a quelques années, d’en faire de la poudre à poudrer, qui pouvoit suppléer, dans le temps de cherté des grains, à la poudre ordinaire. Elle eut d’abord quelque succès, et le Ministère aida de sa protection l’entreprise ; mais à l’usage, on lui reconnut le défaut d’être trop pesante, et de ne pas tenir sur les cheveux ; ce qui la fit échouer ; et il n’en est plus question.

» Cette plante se sème au mois de Mars ; elle demande une terre


  1. — Il s’agit encore du tubercule.