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philosophe et femme de sciences

prémices, doit donc être d’abord essentiellement critique ; c’est-à-dire qu’elle doit examiner toutes les philosophies précédentes, prendre et s’assimiler avec liberté, avec une indépendance jalouse, tout ce qu’elles ont de bon, de convenable, et rejeter ce qu’elles ont de mauvais. C’est donc un éclectisme que je vous propose, c’est-à-dire un choix judicieux d’idées harmoniques entre elles, et non un synchrétisme aveugle qui rassemble comme au hasard les éléments les plus contradictoires. Notre philosophie doit être dogmatique, c’est-à-dire aboutir toujours à une solution affirmative, tout au moins relativement probable à défaut de certitude absolue. Mais plus que toute chose elle doit être morale et religieuse. La science et la sagesse sont les attributs les plus essentiels de Dieu, ne peuvent exister sans Dieu, puisque sans Dieu il n’y aurait dans la nature que hasard et fatalité, c’est-à-dire la négation même de cet ordre qui seul rend la sagesse et la science possibles. La négation de Dieu est donc, avec la négation de l’ordre naturel ou moral, la négation même de toute philosophie, puisqu’elle en détruit l’objet. Si dans le passé il a pu y avoir une philosophie athée et immorale, je lui dénie le nom de philosophie, et l’étymologie de ce mot m’en donne le droit. Qu’on l’appelle d’un autre nom, si l’on veut.

La philosophie que je veux vous proposer est idéaliste, mais non dans le sens que les Allemands ont donné à ce terme, qui pour eux signifie irréel, créé de l’idée, posé par la pensée, émané du moi pensant ou plutôt rêvé par lui ; elle est idéaliste dans le sens esthétique, c’est-à-dire qu’à travers toutes choses elle poursuit l’idéal de l’ordre, du bien souverain, du bien absolu. Mais autrement elle est réaliste, en ce sens qu’elle affirme l’existence des êtres comme substance et comme phénomènes, la réalité de leurs conditions d’existence, de leurs lois fixes et générales, de leurs formes essentielles et de leurs accidents passagers. Elle affirme comme substance réelle tout ce qui agit, tout ce qui se manifeste comme force virtuelle ou actuelle en l’homme ou hors de l’homme. Elle s’attache aux faits, les constate et cherche à tout expliquer sans rien inventer de nouveau dans le plan de la création ; elle est enfin essentiellement spiritualiste. Elle spiritualise jusqu’à la matière trop longtemps méconnue, trop longtemps l’objet d’un mépris injuste, né d’un ascétisme immoral et dénaturé, non moins que d’un dualisme impie emprunté des cosmogonies de l’Orient. Tout est bien et