Page:Royer - Introduction à la philosophie des femmes, 1859.pdf/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
― 9 ―

de mots constitue un néologisme, je le veux ; mais ce néologisme est dans le génie de la langue : rapprocher des termes connus et leur donner un air de jeunesse, un cachet original est ce que tous nos orateurs, tous nos écrivains de goût cherchent à faire. Je suis loin de me repentir d’avoir suivi leur exemple. Ma pensée est nouvelle, je l’exprime par un terme nouveau. Puissé-je en trouver toujours, en cas de besoin, d’aussi heureux et d’aussi justes !

Vous le voyez, mesdames, dès qu’on parle science, on est fatalement, quoi qu’on en ait, entraîné à parler grec. Cette discussion sur deux mots vous montre combien le langage philosophique diffère du langage familier. C’est pourquoi, sur les matières dont ce cours doit traiter, il n’existe pour ainsi dire pas d’ouvrages complets et convenables, qui soient, sinon écrits spécialement pour des femmes, du moins accessibles à leur intelligence, à leurs habitudes de comprendre et de s’exprimer. J’ai l’intention de combler un jour cette lacune dans la littérature didactique, comme j’essaie de la remplir ici dans l’enseignement oral.

Les deux moitiés de l’humanité, par suite d’une différence trop radicale dans l’éducation, parlent deux dialectes différents, au point de ne pouvoir que difficilement s’entendre sur certains sujets et sur les sujets mêmes les plus importants. Il y a plus de dix mille mots dans la langue que les femmes n’ont jamais entendu prononcer, dont elles ignorent le sens, et cependant il suffirait d’un petit dictionnaire étymologique,