Page:Roy - Vieux manoirs, vieilles maisons, 1927.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA MAISON GÉRIN-LAJOIE À YAMACHICHE



M. Léon Gérin parle ainsi de la maison où était né son père, Antoine Gérin Lajoie, l’auteur de Jean Rivard, le 4 août 1824 :

« La maison de bois, basse, mais assez longue, avec sa cuisine et sa remise en allonge, datait du siècle précédent. C’était bien une des plus anciennes, sinon des plus décoratives des alentours. Contrairement à ses voisines, elle s’élevait du côté sud de la grande route, entre celle-ci et le fleuve. Au delà des grands herbages de la rive basse et plane, miroitait dans le lointain la surface argentine du lac, sur laquelle se déplaçait avec la lenteur d’un hanneton, l’image réduite d’un vapeur ou d’un voilier.

« Sur la façade de la maison courait une étroite galerie que surplombait le « ravalement » de la couverture, et qui donnait sur un petit jardin de fleurs. À droite, un assez grand potager ; à gauche, le fournil où l’on cuisait le pain de ménage ; en arrière, la laiterie installée dans une petite construction attenante à la cuisine. Enfin, en avant, de l’autre côté du chemin du roi, le verger où croissaient un peu confusément pommiers, pruniers, cerisiers, petit enclos séparé de la longue grange-étable par l’allée conduisant aux pâturages, aux prairies, aux champs de céréales, et ceux-ci se déroulaient jusqu’au bois, jusqu’à l’érablière dont le rideau touffu fermait l’horizon vers le nord.

« L’intérieur de cette vieille maison avait bien son charme fait d’âge et de simplicité. Derrière ses volets de planches qui tournaient en grinçant sur leurs gonds de fer coudé, se cachaient des meubles comme on n’en voit plus souvent aujourd’hui : de grandes couchettes en bois, quelques-unes avec leur alcôve, des chaises et des tables de confection domestique, des « catalognes » recouvrant les planchers, des bahuts, une huche, un banc-lit (à la fois coffre, siège et couchette), des rouets à pédale avec leur dévidoir, sans parler des images de piété et des portraits de famille à cadres de bois ou de cônes de sapin, suspendus au mur de la salle ou du petit salon.

« Même la remise en annexe à la vieille maison abritait des choses captivantes pour moi : faux, javeliers, faucilles, qu’il m’était bien défendu de manier, de toucher ; voitures capitonnées, ou simples « barouches », où je m’installais en maître pour conduire un cheval imaginaire en des randonnées interminables ; un banc à planer qu’on utilisait pour la confection de maint outil ou ustensile domestique, de fourches, de râteaux en bois, et même d’arcs et de flèches « pour le p’tit gars d’Antoine »[1].

  1. Bulletin des Recherches Historiques, vol. XXX, p. 294.