Page:Roy - Vieux manoirs, vieilles maisons, 1927.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LE MANOIR COUILLARD À MONTMAGNY



A NTOINE Couillard de Lespinay né le 16 février 1789, prit son titre de docteur en médecine à l’université de Philadelphie. Il revint ensuite à Québec où il pratiqua sa profession pendant plusieurs années.

Seigneur de la Rivière-du-Sud, M. Couillard songeait depuis longtemps à retourner à Saint-Thomas. Le vieux manoir de ses ancêtres tombait en ruine. Il décida de le reconstruire et en fit une des plus belles maisons de l’époque.

Le prix des travaux dépassa de beaucoup les calculs de M. Couillard, et, comme son domaine était hypothéqué pour d’autres dettes, il lui fallut compter avec les exigences de ses créanciers. Dans l’intervalle, M. Couillard fut nommé registrateur du comté de L’Islet. Ce secours tardif ne put le sauver de la ruine. Son domaine fut vendu pour le prix de trois mille livres, juste le montant des obligations contractées.

Le vaste domaine transmis de génération en génération dans la même famille, depuis Louis Couillard, passa en d’autres mains. Le sensible seigneur de la Rivière-du-Sud ne put survivre à ce malheur. Il décéda le 15 juin 1847, a l’âge de 56 ans.

M. Aubert de Gaspé, qui fut peut-être le plus intime et le meilleur ami du seigneur Couillard, lui adressait l’adieu suivant dans ses Anciens Canadiens :

« Ô le plus ancien et le plus constant de tous mes amis, tu m’as abandonné sur cette terre de douleur, après une amitié sans nuage de plus d’un demi-siècle, pour habiter un lieu de repos. Car toi, aussi, ô le plus vertueux des hommes que j’ai connus, tu as bu à la coupe amère des tribulations ! Tu as vu passer le domaine de tes aïeux entre les mains de l’étranger ! Et, lorsque tu es descendu dans le tombeau, tu n’as emporté avec toi, de toutes tes vastes possessions, de l’Ilet[1] même que tu affectionnais tant pendant ton enfance, que la poignée de terre que le fossoyeur et tes amis ont jetée sur ton cercueil. »

  1. L’Ilet au petit Couillard dont il est question dans les Anciens Canadiens.