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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

le jour où il voit apparaître, venir à lui, à travers les arbres de la forêt et l’enchevêtrement des abatis, la soutane déchirée du brave missionnaire !

L’homme de Dieu, l’apôtre de la colonisation, Jean Rivard l’accueillait d’autant plus volontiers que l’abbé Doucet, qui visita le premier le canton de Bristol, était un de ses camarades de collège. Ce fut un prêtre, l’abbé Leblanc,[1] qui persuada Jean Rivard de s’en aller abattre la forêt, et c’est un autre prêtre, l’abbé Doucet, qui fut toujours le conseiller prudent du jeune colon, qui associa aux initiatives de Jean son activité personnelle, et prépara avec lui la fortune de Rivardville. Si bien que le jour où l’on érigera dans quelque ville de nos pays de colonisation le groupe symbolique du colon canadien appuyé sur l’épaule du missionnaire, on ne pourra mieux choisir pour les représenter tous deux que Jean Rivard et l’abbé Doucet, le premier colon et le premier apôtre du canton de Bristol.

Mais peut-être ce groupe serait-il incomplet si l’on n’avait soin d’y ajouter, pour en faire la signification plus large et plus précise, le personnage de cette femme forte qui fut la compagne de Jean Rivard, Louise Routier. Et cette femme, il la faudrait sculpter dans l’attitude modeste, simple et digne, que Gérin-Lajoie lui a donnée, avec ce costume d’étoffe domestique, dont il l’a revêtue, et qui la faisait, aux yeux de Jean Rivard, toujours aussi charmante que le jour de ses noces.[2]

Aussi bien, Jean Rivard ne peut aller à l’histoire sans Louise Routier : le colon canadien partage toujours avec sa vigoureuse compagne l’honneur et la prospérité de

  1. Gérin-Lajoie a voulu personnifier dans l’abbé Leblanc, un ancien curé de Yamachiche, M. Dumoulin, celui-là même qui avait engagé son père à lui faire faire un cours d’étude.
  2. Jean Rivard, II, 197.