Jean Rivard ne sortira guère plus de ce champ où il applique son activité. Lorsque surtout il aura conduit dans sa maison nouvellement construite la jeune fille qui, de temps à autre, le rappelait encore à Grandpré, il ne s’occupera plus que de l’exploitation raisonnable, méthodique et logique de sa ferme. Des cent acres de terre qu’il possède, il connaît à fond la nature de chacun, la qualité du sol, des bois, et les accidents topographiques du terrain. Il en a dressé une carte très détaillée, qu’il appelle pompeusement « la carte de son royaume ».[1] Et quand Louise franchira pour la première fois le seuil de sa maison, Jean déploiera tout de suite sous son regard la carte officielle de « ce royaume » dont elle sera désormais la reine.
Il parut même qu’après ce mariage l’activité de Jean redoubla d’intensité, sans que pour cela ses fatigues se fussent accrues. « Lorsque après cinq ou six heures de travail, il retournait à sa maison et qu’il apercevait de loin sur le seuil de sa porte sa Louise qui le regardait venir, ses fatigues s’évanouissaient ; il rentrait chez lui l’homme le plus heureux de la terre. »[2] Et les joies laborieuses du jeune colon et de sa femme devinrent plus intenses encore lorsque, penchés tous deux sur un berceau, ils se purent reposer de leur tâche quotidienne en y regardant sourire à leur amour, un enfant, un tout petit colon, avec de beaux grands yeux limpides où semblait se refléter déjà l’image de la forêt !
Cependant, l’action de Jean Rivard ne fut pas toujours limitée au défrichement de sa terre, et à des œuvres d’intérêt surtout personnel : elle devait bientôt et peu à peu s’étendre, rayonner autour de lui, devenir éminemment sociale. L’exemple courageux de ce jeune homme avait attiré dans la forêt de Bristol de vaillants imitateurs.
On vint se grouper autour de Jean Rivard ; et lui,