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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

trant ses deux bras. Et il y avait dans ce geste expressif le sens plein de sa devise.[1]

Donc, cet écolier transporté en pleine forêt, était un laborieux ; c’était un « bûcheur, » et ce mot de l’argot scolaire prend ici toute sa force significative.

Le travail physique répugna bien d’abord, quelquefois, à ses membres peu exercés, le fatiguait et l’épuisait ; mais Jean Rivard s’y entraîna, il s’y habitua, et il s’y complut. « Ce travail des bras d’abord si dur, si pénible, devint pour lui comme une espèce de volupté. »[2] Et dès lors, l’on ne cesse plus de voir à travers les pages du roman, comme à travers les arbres de la forêt, la silhouette toujours active du jeune colon.

Après le tableau des premiers défrichements[3] où il convenait que Gérin-Lajoie esquissât d’abord l’attitude de son héros, et nous le fît voir s’attaquant aux grands arbres des bois séculaires, faisant à coups de hache dans la forêt la première trouée lumineuse, il n’est pas de récits plus révélateurs de la vie du colon que ceux des premières semailles et de la première récolte.

Semer à travers les souches noircies des terres neuves était aussi peu compliqué que cela était pénible. Quel travail que celui qui consiste à préparer le terrain qui doit recevoir cette première semence ! Depuis le milieu d’avril jusqu’à la fin de juin, Jean Rivard et Pierre Gagnon s’y livrèrent sans relâche. « Rarement le lever de l’aurore les surprit dans leur lit, et plus d’une fois, » ajoute l’auteur dans un style peut-être trop homérique, « plus d’une fois la pâle courrière des cieux éclaira leur travaux de ses rayons nocturnes. »[4] Et selon son habitude, Gérin-Lajoie jette sur ces champs de labour et sur les durs travaux de ses personnages le voile discret d’une simple poésie ; ou bien il les transforme et les relève par

  1. Jean Rivard, I, 26.
  2. Jean Rivard, I, 40.
  3. Jean Rivard, I, 37-47.
  4. Jean Rivard, I, 88.