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JEAN RIVARD

Jean Rivard, c’est, au surplus, le personnage en qui l’auteur a mis toutes ses complaisances, c’est celui qui porte dans sa vie active les rêves les plus chers, mais irréalisés, de Gérin-Lajoie. Celui-ci a très amoureusement façonné ce colon ; il l’a fait aussi grand que pourraient être tous nos colons ; il a soigneusement posé sur son front quelques reflets de cet idéal d’agriculteur qui hanta toujours son imagination.

Gérin-Lajoie a même voulu donner à Jean Rivard un nom familier, un nom qui pourrait lui rappeler le foyer paternel, créer en lui l’illusion consolante que ce héros lui était un frère. Ce héros s’appelle Jean en souvenir du premier Gérin dont fassent mention nos archives canadiennes : soldat vaillant venu de Grenoble en 1750 pour guerroyer contre les Anglais, et qui, après la capitulation, se fixa à Yamachiche, où il fonda la dynastie rurale si estimée, et si persévérante, des Gérin-Lajoie. Il s’appelle Rivard, parce que la grand’mère de l’auteur avait nom Ursule Rivard dit Laglanderie, et qu’elle aima beaucoup son petit-fils, le petit Antoine qu’elle avait tant désiré voir un jour « chanter la messe et faire le prône ». Il naît à Grandpré vers 1824, appelé sans doute à la vie par Gérin-Lajoie lui-même qui naissait cette année-là à Yamachiche, vieille paroisse riveraine, découpée dans le fief de Grandpré sur les bords du lac Saint-Pierre. On nous assure[1] même que la maison où naquit Jean Rivard, et « le hangar, le fournil, la grange et les deux autres bâtiments de la ferme, nouvellement blanchis à la chaux »[2], sont les mêmes que la maison et les bâtiments où s’écoula l’enfance de Gérin-Lajoie.

Que si le père de Jean Rivard s’appelle Jean-Baptiste, au lieu que celui de notre auteur portait le nom d’Antoine

  1. Nous devons ces renseignements précieux, et bien d’autres, à Mgr Denis Gérin, curé de Saint-Justin, frère de l’auteur de Jean Rivard, et à Léon Gérin, fils de l’auteur de Jean Rivard. Nous les remercions ici de l’empressement avec lequel ils ont bien voulu nous communiquer leurs souvenirs de famille.
  2. Jean Rivard, I, 137.