Page:Roy - Romanciers de chez nous, 1935.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
LES ANCIENS CANADIENS

nale qui hante l’imagination de tout lecteur d’Homère et de Virgile, se disputaient le roman historique et merveilleux qui venait de paraître. Les élèves du Collège de l’Assomption préparèrent un triomphe à l’auteur des Anciens Canadiens. Au mois de juillet 1865, ils mirent à la scène un drame tiré de l’œuvre de M. de Gaspé. M. de Gaspé fut invité à cette fête littéraire, et y assista entouré de Maximilien Bibaud, du docteur Meilleur, et de représentants des familles de Salaberry, de Beaujeu, et de Martigny. Le supérieur du collège, M. Barret, présenta à la jeunesse étudiante « cet homme qui l’avait devancée de trois quarts de siècle sur la route de la vie, » et il le lui montra comme « l’expression vivante de l’antique noblesse de nos premières familles canadiennes ».

M. de Gaspé, tout ému des honneurs qui couronnaient sa vieillesse — il avait alors soixante et dix-neuf ans — s’excusa de ne pouvoir que lire une courte réponse à tous ces hommages. « J’ai peu d’espoir, dit-il à ses jeunes admirateurs, de conserver longtemps le souvenir de votre gracieuseté : le septuagénaire ne vit que pour la tombe la plus prochaine. Mais quelle que soit la durée de ma vie, elle aura l’effet de dissiper souvent les sombres nuages qui attristent, de temps à autre, l’existence d’un vieillard. Les jeunes messieurs qui ont si bien joué le drame dont le fond est tiré de mon ouvrage, Les Anciens Canadiens, m’ont transporté aux beaux jours de ma jeunesse, et m’ont fait vivre pendant trois heures avec les amis que mon imagination avait créés. »[1]

Ces personnages qu’avait créés l’imagination de M. de Gaspé, avec lesquels il lui plaisait tant de s’entretenir, sont encore bien vivants, et ils réjouissent aujourd’hui, et ils instruisent, comme il y a quarante ans, les jeunes gens et tous les lecteurs qui les veulent connaître. M. de

  1. On peut consulter sur ce voyage de M. de Caspé au Collège de l’Assomption, une petite brochure publiée à l’imprimerie de la Minerve, Montréal, 1865, et intitulée : Biographie et oraison funèbre du Révd M. F. Labelle, et autres documents relatifs à sa mémoire ainsi qu’à la visite de Philippe-Aubert de Gaspé, Ecr. au Collège de l’Assomption, etc.