Au reste, le style même de M. de Gaspé diffère assez de celui de l’historien de la Mère Marie de l’Incarnation, pour qu’il soit facile de reconnaître, dans les Anciens Canadiens, la marque de l’auteur. Il y a ici une simplicité et un naturel auxquels ne nous a guère habitués l’abbé Casgrain de 1860.
M. de Gaspé excelle à imiter et à reproduire dans son style le langage familier, tout court, plein de saveur des Canadiens, ses contemporains. Il se plaît à exprimer sa pensée comme il faisait sans doute dans son salon de famille, quand il y causait avec les siens sous le regard des ancêtres dont les portraits étaient suspendus au mur ; ou bien encore, il prend volontiers le ton des longues conversations qu’il avait souvent avec les braves habitants de Saint-Jean-Port-Joli. C’est en style canadien que devait être écrit le roman historique ou l’épopée populaire des Anciens Canadiens. M. de Gaspé le voulait ainsi ; d’autant qu’il lui eût été difficile d’adopter une autre manière et d’autres procédés. « Cet ouvrage sera tout canadien par le style : il est malaisé à un septuagénaire d’en changer comme il ferait de sa vieille redingote pour un paletot à la mode du jour. »[1]
C’est donc en vieille redingote que se présente la phrase de M. de Gaspé, et c’est encore aujourd’hui ce qui donne au livre sa valeur et lui conserve tout son prix. On se plaît toujours à y entendre le parler des bonnes gens, et à voir se peindre en leur langage les mœurs d’une époque dont nous nous éloignons chaque jour si rapidement.[2]
L’aisance et la simplicité du vocabulaire des Anciens Canadiens se retrouvent parfois et plus particulièrement dans les dialogues que l’auteur établit entre les personnages du roman. Le dialogue doit rendre plus parfaite