elles-mêmes n’ont pas perverti chez lui la notion du juste et de l’injuste, il reste bon, et capable de comprendre l’équité. Que si vous doutez de la vérité de cette doctrine, interrogez ce brave homme d’Iroquois à qui un magistrat faisait un jour visiter, à New-York, le grand wigwam où l’on détient les repris de justice. « C’est là qu’on enferme les Peaux-Rouges qui refusent de livrer les peaux de castor qu’ils doivent au marchand, » disait le visage pâle à l’enfant de la forêt. Et celui-ci de visiter avec soin tout l’édifice, de descendre dans les cachots, de sonder les puits, de prêter l’oreille aux moindres bruits, et de conclure par un immense éclat de rire : « Mais sauvage pas capable de prendre castor ici ? » dit-il ; et dans ce mot, et dans ce rire, il y avait tout le mépris et tout le dédain que la barbarie doit à la civilisation. Cet indien avait compris, là, tout ce que notre justice boiteuse contient d’illogisme, et comme il est inutile, cruel et contradictoire d’enfermer, et donc de paralyser et d’empêcher d’acquérir, celui dont le crime est de n’avoir pas de quoi payer ses dettes.
Si misérable que soit l’homme, et si faux que soient ses jugements, et si endurcie que soit sa conscience raffinée et civilisée, il le faut pourtant plaindre, et l’on doit en avoir pitié. Et le pessimisme de M. d’Egmont est donc ici traversé d’un rayon de lumière et de charité, qu’on ne s’attendait pas tout d’abord d’y apercevoir. Cet Alceste paraît bien avoir
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses,
mais il a aussi pour son semblable des complaisances de Philinte ; et s’il s’est enfoncé en son désert, s’il a
cherché, sur la terre, un endroit écarté,
Où d’être homme d’honneur on ait la liberté,
il sait aussi sortir de sa retraite pour aller à ceux qui