ceux qui osent toucher à nos gloires les plus pures, d’espérances en l’avenir, et d’abandon parfois trop confiant aux destinées que nous pouvait préparer ici l’influence absorbante des vainqueurs de 1760. Cette âme si canadienne et qui s’émeut, qui s’enflamme, qui s’exalte au souvenir du vieux passé, qui a des ardeurs de combat pour raconter nos résistances et nos luttes, se détend, à la fin, et s’apaise et se résigne ; et elle montre ainsi, dans ses discours et dans tout ce qui manifeste sa conception de la vie nationale, les mêmes variations et les mêmes contrastes que l’on peut aussi apercevoir dans la philosophie qu’elle nous a donnée de la vie humaine.
L’on pourrait croire que ce vieillard qui sourit à travers tant de pages de son livre, qui s’abandonne à une gaieté large et franche quand il raconte les histoires de José, et qui fait si attachante la destinée de ses héros, a aimé la vie et l’a vécue avec enivrement. Et il suffirait de lire encore dans les Mémoires le récit de ses aventures avec Coq Bezeau pour se persuader qu’un enfant qui entra si joyeusement dans la vie active, devait s’y attacher pour toujours. Et, pourtant, les Anciens Canadiens nous révèlent en M. de Gaspé, dans son âme de vieillard philosophe, toutes ces oppositions de joie et de tristesse, de consolations et d’amertumes, de sérénité et de dégoûts qui apparaissent sur son visage. Pour que cette mélancolie n’étendît pas sur tout le roman son voile sombre, M. de Gaspé a voulu ramasser en un seul chapitre ses plus graves impressions, et y exprimer tout ce qu’il pensait des hommes et de la société.
Dans ce chapitre intitulé Le bon gentilhomme, M. de Gaspé s’est mis en scène lui-même, et sous le pseudonyme de M. d’Egmont, le solitaire de la rivière des Trois-Saumons, il a fait l’aveu pénible de sa vie, et livré au lecteur sa conscience jamais apaisée.