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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

En tout cas, José est bien l’exemplaire fidèle du vieux domestique qui n’a vécu que pour son maître, qui a pris soin des enfants, qui s’est identifié avec tous les intérêts du seigneur, qui a sa place au foyer, qui fait partie de la famille, et qui se dévouerait jusqu’à la mort pour les gens de la maison. Il a pour son jeune maître Jules tous les égards respectueux et les sollicitudes les plus touchantes. L’incendie du manoir l’attristera presque autant que M. d’Haberville lui-même. Avec cela qu’il est patriote comme tous ceux qui ont assisté et pris part aux guerres de 1760. N’a-t-il pas perdu — ou oublié, comme il dit — sa main droite sur les Plaines d’Abraham ?[1]

Un jour — c’était plusieurs années après la cession du pays aux Anglais — il conduisait Arché à Québec. « Voici la ville », dit-il à son compagnon de route, dès qu’il l’eut aperçue là-bas devant lui ; « mais pas plus de pavillon blanc que sur ma main, ajouta-t-il en soupirant. Et, pour se donner une contenance, il chercha sa pipe dans toutes ses poches en grommelant et répétant son refrain ordinaire : « Nos bonnes gens reviendront. »[2]

L’affection qu’avait José pour ses maîtres, ceux-ci la lui rendaient bien ; et il n’y a guère de pages plus touchantes dans tout le roman de M. de Gaspé que le récit de la mort de José s’éteignant doucement au manoir dans les bras de Jules, sous le regard attendri des petits enfants que l’on avait fait venir exprès du collège, pour que le vieillard les pût revoir avant de s’en aller pour toujours. On sent que l’auteur a mis dans cette page de son livre toute l’âme bonne et attendrie que lui ont faite les patriarcales traditions du manoir : et l’on est heureux, tout comme de Gaspé lui-même, de voir une mort si calme et si honorable finir et couronner une vie si dévouée et si fidèle.

  1. Page 293.
  2. Page 313.