s’en ouvrit à elle au cours d’une de ces promenades favorites qu’il aimait à faire sur le rivage, quand la marée était haute, et que le soleil couchant faisait ruisseler sa lumière d’or sur les flots. Que de souvenirs éveillait en la mémoire des jeunes gens le spectacle familier qui se déroulait à leurs regards ! Et combien de fois leur innocente jeunesse avait porté sur ces mêmes rivages leurs âmes pures, enjouées et sereines ! Et ce fut par toutes ces évocations du passé, par tous ces rappels de temps heureux à jamais disparus, qu’Archibald de Locheill éprouva le besoin de saisir et de captiver l’imagination et le cœur de la jeune fille. Toutes ces choses, les moindres accidents du rivage, les rochers où l’on allait s’asseoir, le sable que l’on avait si souvent foulé, et ce petit ruisseau qu’ils franchirent encore une fois, redisaient aux deux promeneurs l’amitié fraternelle qui les avait depuis longtemps unis, et elles les invitaient encore à l’amour qui devrait les attacher désormais et les lier l’un à l’autre. Arché aimait Blanche, avec cette passion respectueuse et discrète qui remplissait aussi l’âme de la jeune fille.
Tous deux s’aimaient, non pas de la façon timide, mais un peu précieuse des jeunes gens de Marivaux, mais d’un amour qui mesure ses mouvements sur la convenance même des relations familiales, qui s’ignore aussi longtemps qu’il ne lui est pas permis de s’exprimer, et qui ne s’exprime que pour se manifester dans toute l’ingénuité et avec la franchise un peu brusque de son ardeur.
Aussi, il fallut à Arché bien des détours, et de patientes digressions, avant de se déterminer à risquer l’inévitable déclaration. Elle vint enfin, brûlant les lèvres d’Arché, et résonnant comme une étourdissante et inconcevable audace aux oreilles de Blanche. Jamais la jeune fille des d’Haberville n’avait pensé qu’il lui fût possible, malgré ses personnelles inclinations, d’épouser le soldat qui avait ravagé le domaine de son père. Elle bondit sous la flèche dont l’avait frappée Arché :