Jules, comme celle de David à Jonathas,[1] et jamais deux jeunes gens ne se sont aimés d’une affection plus pure et plus dévouée. L’amitié d’Arché, pénétrée, comme elle est, d’une sensible reconnaissance, prend les formes les plus aimables et les plus touchantes : elle se compose d’un respect et d’une tendresse qui en font le plus exquis et le plus louable sentiment.
Mais ce sont les vertus mêmes de ces deux amis qui les feront plus tard lutter l’un contre l’autre sur les champs de bataille. Jules est patriote autant qu’Arché lui-même est fidèle à son drapeau. Jules aime la terre natale, tous les braves censitaires qui la travaillent et la cultivent, tous ces récits et légendes que lui raconte sa mère, et qui ont poussé comme des fleurs sur le sol du pays. Quand il a quitté le collège, le bon supérieur lui a dit, comme à Arché : « Que votre cri de guerre soit : Mon Dieu, mon roi, ma patrie ! »[2] Et voici que cette devise elle-même va les faire tous deux se précipiter l’un contre l’autre. Jules défend, avec toute l’énergie du désespoir malheureux, la terre française qu’on veut lui arracher de dessous les pieds ; pendant qu’Arché, victime du devoir et de la discipline impitoyables qui n’épargnent ni les souvenirs, ni les amitiés, exécute des ordres barbares, souffre en silence les tourments du désespoir et souhaiterait parfois retourner contre lui-même cette claymore de son père qui n’a jamais trahi. Arché qui ordonne qu’on mette le feu au manoir des d’Haberville ; Jules qui, sous les remparts de Québec, essaie ses dernières forces pour percer la poitrine d’Arché et retombe inanimé dans les bras de son adversaire : voilà des situations cornéliennes, où la volonté se mesure avec le devoir, triomphe de toutes les hésitations, et où donc se révèle toute la grandeur tragique de ces âmes romaines.
Et certes, quand un romancier a su imaginer de telles